Voici que sous l’interprétation délicate et forte à la fois de Caroline Lambert - elle fait penser à une coach d’aérobic - surviennent des traces d’espoir dans un ciel plutôt bleu et apparaissent des visages de bonheur qui transfigurent à la fois l’intervenante et un public sur le qui vive. Ce spectacle éblouissant de confiance a le don de ranimer la flamme humaine mieux qu’un coureur olympique. Vous en jugerez. Ni sucks ni muck... Tout cela, sous le regard d’une metteur en scène à la fois géniale et profondément humaine : Anne Beaupain.
Le voyage intérieur de la crabahuteuse - le vocable est d’Hélène Bénardeau - évoque les deuils , les péripéties génétiques, médicales, physiques, affectives et morales, que trouve sur son parcours, la femme atteinte du cancer (sein ou ovaires), ou de celle dont le gène tueur larvé risque à tout moment de s’éveiller et de débarquer dans la vie d’une victime á la fleur de l’âge. Tough luck !
Caroline, la survivante des deux, résume. Elle et Véronique, cousines germaines quasi jumelles partagent ainsi un destin commun : celui de la lutte contre le crabe, à la scène comme à la ville. Dans la vraie vie, quoi ! Et sous forme d’exercice courageux d’auto guérison artistique sur les planches de la Comédie Claude Volter. du 4 au 8 février, semaine de la lutte contre le cancer. Elle a couché sur papier ses affects les plus désespérés et les plus intimes et les interprète acec une sensibilité à fleur de peau sur la scène bruxelloise. C’est avec avec tact, distanciation, humour, bienveillance et des litres de verres à moitié plein que Caroline Lambert lève le rideau sur ses cogitations, ses colères, ses trouilles et ses espoirs grandeur nature. C’est qu’elle porte en elle, non un enfant, mais ce gène maléfique, suceur de vie.
Miracle, Caroline multiplie les exorcismes, exhume au fur et à mesure des émerveillements bouleversants devant le miracle de la vie. Pour toutes ses sœurs de pas d’chance. Chemin faisant, elle se déleste des poids morts, au bord de la tombe elle rejoint et vole dans les bras de sa cousine raflée par le crabe et balise la route pour toutes ses sœurs d’infortune.
Miracle, malgré toutes ses tribulations qui arrachent l’empathie et les rires d’un public converti, elle explose la joie contagieuse d’aimer et d’être aimée. Contre tous les vents hostiles du destin et l’absurdité de la souffrance et de la maladie. Que du vécu sublimé par l’art de dire et de jouer.
Permettez nous donc de citer ici les paroles sublimes d’une autre femme des années cancer : Hélène Bénardeau, décédée il y a 3 ans.
“Je suis juste une petite terrienne, donc faillible, comme tous ses congénères à deux pattes, dont le propre reste le rire, envers et contre tout. Ne prenez jamais pour argent comptant ce que je vous raconte, même si je le fais en toute conscience. Mon Crabounet à moi, mon corps, ma sensibilité, mes colères, mes soucis, mes paniques, mes remèdes ne sont que les cousins des vôtres. Vous êtes seules à pouvoir apprivoiser la bête, et le dompteur magister le plus apte à vous épauler, c’est celui ou celle que vous aurez CHOISI (et non subi) parmi les p’tits soldats d’Hippocrate. “
Et voici d’autres paroles tout aussi vraies :
"... Il y a une chose, une seule, que malgré tout l’amour du monde, vous n’arriverez pas à éradiquer, à déraciner de nos cœurs... Cette chose… c’est La PEUR.
Ce sont nos peurs.
Peur des traitements lourds.
Peur des mutilations, des balafres indélébiles.
Peur de ne pas pouvoir ré-apprivoiser notre nouveau-moi.
Peur que vous ne l’aimiez plus.
Peur de la souffrance physique.
Peur de la souffrance morale.
Peur de vous user à la corde.
Peur de voir vos yeux, un jour, nous regarder partir.
Peur de vous faire souffrir.
Peur de plomber l’insouciance de nos enfants.
Peur de ne pas les voir grandir.
Peur du monde médical, qui, parfois, nous maltraite autant
Peur de savoir que nous ne quitterons jamais le fauteuil de Denys, que le crin de cheval est fragile et que le glaive est lourd.
Peur que vous oubliiez qu’un bonbon d’hormonothérapie, ce n’est pas un cachou.
Peur que vous ne l’oubliiez pas.
Peur de ces contrôles, de ces rendez-vous incontournables, qui vont désormais ponctuer nos existences et ce JUSQU’A LA FIN DE NOS JOURS.
Oui, nous allons oublier, parfois. Oui, nous allons réapprendre à l’aimer cette vie qui court dans nos veines, palpitante, impérieuse. Nous avons tout accepté POUR ÇA, pour l’amour de vous, des autres, de ce monde qui marche sur la tête mais que nous ne voulons pas quitter, pas encore ... "
Et tout cela au théâtre, le lieu des dramaturgies humaines, le jour et la semaine de la journée mondiale contre le cancer. M A G N I F I Q U E autant qu’inoubliable. Même pas peur, et l’épée au poing ! Le docteur de Caroline Lambert était dans la salle. Ovation. Cinq étoiles, bien sûr !