Le rideau s’ouvre sur une fracassante crise de nerf d’Ecaterina, la maîtresse de Michel Desnoyers (Daniel Hanssens), un homme de théâtre à succès. Après avoir brisé en coulisses une partie du mobilier, Ecaterina (Christel Pedrinelli) rompt avec son compagnon sans donner d’explication. Michel, resté impassible face à la fureur dévastatrice de sa slave amoureuse, décide d’en faire le sujet de son prochain spectacle. Ce sera sa soeur, la belle Françoise de Calas (Stéphanie Van Vyve), femme de son ami Fernand, qui se glissera dans la peau d’Ecaterina tandis qu’il tiendra son propre rôle... dans son propre bureau reproduit à l’identique sur scène avec ses propres domestiques dans leur propre rôle et particulièrement la fidèle Maria (Marie-Hélène Remacle), comédienne innée pratiquant tous les jours l’art de la dissimulation. Bref de quoi créer une illusion parfaite et on s’attend à découvrir l’épilogue de l’histoire. Seulement voilà, Guitry n’est pas seulement le maître de la répartie mais aussi un virtuose de la surprise. Et la pièce de Michel Desnoyers va prendre une tournure inattendue quand Ecaterina s’introduit dans la salle pour vérifier ce qu’il aura le culot de dire d’elle...
Ecrite en 1949, Toâ est une réplique à un quolibet dont l’affublaient ses critiques : Monsieur Moâ. "Pauvres sots qui me reprochez ma façon de dire moi. Si vous étiez de mes intimes, vous sauriez comment je dis toi..." Guitry se plait à se glisser ici dans la peau d’un double pour une auto-critique et une fabuleuse leçon sur les ressorts de la comédie. La pièce rompt déliberemment le quatrième mur et opte pour une modernité qui nous rend Guitry proche et vulnérable. Un tour de prestidigitateur virtuose et rusé.
Mise en scène soignée, décor grandiose tout droit sorti des caves des Galeries, costumes de rêve, tout a été minutieusement préparé pour un succès. Mais ce qui fait la réussite incontestée du spectacle, c’est le talent des comédiens, tous si naturels et exubérants à la fois. Ils rendent à Guitry son panache et prouvent que son théâtre n’a rien de désuet mais que la fougue et la passion traversent les siècles sans prendre un pli.
Un spectacle idéal pour une soirée de détente et de rires.