A Taxandria, Aimé commence une nouvelle journée. C’est un enfant au crâne rasé. Taxandria est une ville en ruine. Il est le dernier enfant et on dit qu’il n’en a plus pour longtemps.
Il découvre, au fil de cette journée, comment le cataclysme est arrivé…
Tout est né de la folie mégalomane d’Irina, la femme du Président d’Irina qui ordonna aux savants de Taxandria de trouver le moyen de reproduire les hauts dignitaires de la Cité pour qu’ils puissent aller conquérir le reste de l’univers…
Dans cet entretien enregistré dans les nouveaux bureaux de Casterman, François Schuiten s’interroge sur le destin du livre, de l’objet livre auquel d’une certaine manière cet album rend hommage. Il évoque aussi le travail effectué avec Raoul Servais, les centaines de dessins qu’il a réalisés au moment de sa collaboration avec le cinéaste gantois, puis le rapport entre l’artiste et le support qu’il se choisit. A l’entendre parler du grain du papier, du bruissement de la mine sur la feuille, on se rend compte de l’essentiel que représente la matérialité du travail de l’artiste.
Peut-être cette « variation » sur un film jamais vraiment achevé, est-elle l’aboutissement véritable du projet initié par Raoul Servais : le livre, travaillé par ces deux artisans que sont Peeters et Schuiten, donne enfin le « final cut » à Taxandria.
Cet album représente l’aboutissement de toute beauté du projet que Raoul Servais avait initié il y a trente ans : un long métrage d’animation racontant le destin tragique de la ville de Taxandria. Ce film a été terminé, il n’a jamais été vraiment achevé. François Schuiten y avait été associé en 1987. C’est à partir du travail qu’il a accompli alors et avec la complicité de Benoît Peeters qu’il a décidé de mener à son terme l’histoire de Taxandria. Et cela donne un des plus beaux albums de la série des Cités Obscurs. Un des plus émouvants. Parce qu’il parle de la mémoire, de la transmission, de l’abolition du temps tels que les ressent un enfant qui refuse de se soumettre... C’est cela peut-être, pour Raoul Servais, Benoît Peeters et François Schuiten, la définition de l’artiste : un enfant qui refuse de se soumettre ?
Dans sa postface, Benoît Peeters parle d’un travail de deuil achevé. Il dit aussi cette formule « la mémoire d’un film fantôme »…quel paradoxe pour ce conte qui développe, parmi d’autres thèmes, l’abolition de la mémoire !! Cet album démontre à l’évidence que l’œuvre picturale ouvre l’accès à un vrai multimedia..celui que la technologie la plus sophistiquée n’avait pas réussi à produire…L’imaginaire.
Edmond Morrel