Sarah Flock met en scène une pièce de Damien Spleeters avec un titre original : LA PIÈCE.
Avec une brochette de 11 comédiens, ils y mettent tout leur cœur et leur jeune enthousiasme !
Bonjour, merci de me recevoir pour me parler de vous, de votre compagnie Les Enfants de Silène et de votre projet théâtral : La Pièce
D’où vient ce nom “Silène“ ?
Sarah : C’est un satyre, le père adoptif de Dionysos. Les Enfants de Silène sont donc les petits Dionysos.
Est-ce la première pièce que vous créez ?
Sarah : La première longue pièce, oui. Avant, il y avait eu des performances. Des performances poétiques plus courtes dans la forme, moins préparées, pas répétées et non interprétées par des comédiens. C’est davantage un vécu, on ne sait jamais où l’on va arriver.
L’envie, maintenant, c’est d’arriver à cela théâtralement. Arriver à faire une pièce de manière purement pratique qui ne se répète jamais, mais se crée à chaque fois.
N’est-ce pas le défi d’une pièce de théâtre ?
Sarah : oui, en effet. Notre défi est d’arriver à chaque fois à une sorte d’ébranlement dans notre propre expérience personnelle.
D’où est venu le thème de La Pièce ?
Damien : Je ne peux pas dire vraiment. C’est venu comme ça. J’ai écrit la pièce La Pièce en deux mois, il y a deux ans, deux ans et demi, pendant les vacances d’été.
J’ai été interpellée par la maturité de certaines scènes. Est-ce voulu ?
Damien : Ce n’est peut-être pas moi qui l’ai écrite…c’est peut-être un moi du futur…
Comment vous êtes-vous rencontrés pour la première fois ?
Damien : Nous sommes entrés en contact par personne interposée. Je cherchais des avis de personnes qui s’y connaissaient en théâtre. J’ai rencontré Sarah et elle a proposé de monter la pièce. Je n’avais jamais écrit pour le théâtre.
Sarah : Le texte a été retravaillé, surtout dans l’agencement des répliques. Quelques scènes ont été totalement réécrites. Il y a eu aussi un travail au niveau des personnages. Certaines répliques, devenues nécessaires pour définir d’autres personnages, ont été redistribuées pour donner plus de poids dramaturgique.
Comment êtes-vous arrivée à la mise en scène ?
Sarah : J’ai commencé des études de comédienne en voulant déjà faire de la mise en scène. L’envie m’est venue comme beaucoup de gens vers l’âge de quinze ans. J’ai eu un parcours très…euh, disons que ce n’était pas un parcours conventionnel : Virée de l’IAD après un an, je me suis inscrite à l’université en langues et littératures slaves. Parallèlement, j’ai suivi les modules proposés par l’espace catastroph’, l’académie internationale d’Eté, dont celui de Boris Rabey. Après l’ULB, j’ai étudié les sciences théâtrales et le théâtre à Prague sous la direction d’I. Vyskočil. C’est là que j’ai réellement compris l’importance de la dramaturgie, notamment lors d’entretiens avec O Krejča sur lequel j’écris une thèse de doctorat.
Humainement, ce qui m’intéresse, c’est le plaisir de raconter une histoire, de la mettre en place. Ce qui me plaît le plus, c’est le langage. Depuis toujours. J’ai le plaisir de l’articulation du langage.
Quel est ton moteur dans ton parcours ?
Sarah : La rencontre. Me laisser emmener quelque part où je ne m’y attends pas, et emmener l’autre là où il ne s’y attend pas. La surprise. Le fait que ce soit toujours inattendu et le fait que la rencontre aura une influence sur mon travail. Le fait d’être ébranlés, de susciter une émotion chez l’autre et chez moi.
Votre démarche serait surtout intellectuelle ?
Sarah : Oui, c’est vrai, et empirique.
Damien : La démarche est proche d’une démarche d’expérimentation. On essaie des choses, on observe et, à la fin, on est toujours surpris du résultat.
Damien, comment es-tu devenu auteur ?
Damien : Je suis écrivain. J’ai écrit deux livres. J’écris de la poésie aussi. Mais je n’avais jamais écrit pour le théâtre. J’avais lu un seul livre, c’était : « TARTUFFE », donc j’ai regardé comment c’était écrit et j’ai appris petit à petit de nouveaux codes.
Et toi, par quoi es-tu animé dans ton travail ?
Damien : J’ai envie que les gens vivent. Je me bats contre la vie sans la vie. J’ai envie que les gens soient amoureux, qu’ils se réveillent, qu’ils soient amoureux, qu’ils se réveillent, qu’ils soient bouleversés, ébranlés, imprégnés, innervés, bousculés, changés.
Aller plus loin que soi-même, se dépasser. C’est cela que j’ai envie de donner aux gens.
Ouvrir leur conscience ?
Damien : Peut être, oui. Avoir conscience de soi en même temps. Comme la phrase de Rimbaud le disait : Je est un autre
De quoi parlent les livres que tu as écrits ?
Damien : C’est un peu une affaire de naissance. Une naissance à soi-même. Comment faire naître la lumière ?
L’univers très épuré des scènes, est-ce voulu ?
Sarah : Oui. C’est une pièce qui se passe tout le temps et partout, elle s’inscrit dans la réalité du lieu dans lequel elle se joue à un moment donné. Elle parle du théâtre, mais est polysémique, et parle aussi de la vie civile, politique, sociale. Un des choix dans la mise en scène a été de ne fermer aucune porte aux thèmes inhérents à La Pièce, en plaçant, il est vrai, l’accent sur le thème de la création libre et de sa poésie. Chaque spectateur fera sa propre lecture de La Pièce, en fonction des thèmes qui trouvent un écho en lui.
Comment avez- vous choisi la troupe qui vous entoure ?
Sarah : Avec Damien, c’était un hasard de la vie, on s’est rencontré et on a commencé à travailler ensemble. Pour les comédiens, on n’a pas procédé par audition, mais par rencontre.
Damien : On a juste passé des annonces, on a discuté avec chaque personne sur ce qu’ils pensaient du texte et par rapport à l’intérêt qu’ils portaient au projet.
Sarah : On voulait savoir s’ils avaient la même envie que nous d’être ébranlés. Si nos univers pouvaient aussi être le leur.
Les comédiens viennent de formations très différentes, c’est un choix ?
Sarah : Non, c’est le hasard qui les a réunis, ils viennent de l’IAD, de Lassaad, du conservatoire et de la Kleine Akademie…
Et toi Damien, tu deviens acteur dans ton projet ? À la base, tu n’es pas acteur, je crois…
Damien : Non, pas du tout. Mais c’est une expérience intéressante…
Sarah : Ce qui est très chouette, c’est de renouer avec un théâtre de vie et non un théâtre de jeu. Nous voulions une pièce qui serait un atelier où chacun participerait au même acte de création, où personne ne sait ce qu’il va se produire. On en revient donc à l’idée de “performance“.
Chacun est mis au même niveau, scénographe, acteur… ?
Sarah : Oui, tout à fait, chaque composante scénique est importante, mais pas nécessairement de manière synchronique. La scénographie, les comédiens, leur partition sonore, la pièce, la lumière, les costumes, la salle… C’est cette combinaison qui crée le spectacle.
Damien : On propose des choses et… si vous voulez une image, c’est comme un fleuve où arriverait une multitude de petits ruisseaux.
Au départ de la pièce, on était parti avec une idée précise de ce que l’on voulait et au fur et à mesure du travail, on a vu que d’autres choses étaient intéressantes, des choses qui ne venaient pas toujours de nous.
On pourrait dire que c’est un peu un travail de danseur ?
Damien : Oui, c’est une belle image.
Sarah : On ne voudrait pas faire du théâtre comme on ferait une tarte, dans un moule.
Est-ce un reflet de la société ?
Sarah : Oui. On pose des questions avec cette pièce. Mais sans jamais leur apporter de réponse. On n’est pas des détenteurs de vérité.
Travailler ensemble, c’est une première ?
Damien et Sarah : Oui, c’est un mariage magnifique. Nous sommes super heureux de ces rencontres, avec toute notre petite équipe. Il s’est passé de très belles choses entre nous, une émulation permanente, une ambiance parfaite de création.
Sarah : Mon rêve secret était de mettre des gens ensemble qui avaient la même idée, qui poursuivaient le même idéal.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Sarah : Des difficultés d’ordre techniques dirons-nous. Le problème était que les représentations arrivaient très tôt dans le processus de création. La prochaine fois, on prendra plus de temps pour faire germer la création.
Damien : Heureusement, on a réussi à transformer ces difficultés en quelque chose de porteur.
Quel est le public cible ?
Sarah : Pour tout public. On veut également aller dans les écoles, partager avec des adolescents, mais aussi dans les prisons, les homes…on veut sortir du théâtre.
Damien : Ce n’est pas facile car nous-mêmes, on se laisse enfermer dans des modes théâtraux.
Quelles ont été vos sources d’inspirations ?
Sarah : Il y en a tant que n’en citer que quelques-unes aurait un aspect réducteur qui fermerait la chose. Scéniquement, la première œuvre qui m’a interpellée quand j’étais petite, c’est : La Mégère Apprivoisée et un ballet de Béjart. Mais il y a tant d’autres choses aussi…
Si vous deviez résumer la pièce ?
Damien et Sarah : Il y a des choses auxquelles on ne pense pas à penser.
Vos noms sont-ils liés à présent ?
Sarah : On adore travailler ensemble. Maintenant, on verra si cela dure.
Avez-vous d’autres projets ?
Damien : ensemble non. De mon côté, je prépare un recueil de poésie, je suis dans un groupe de musique, je fais une performance …pas mal de choses…
Sarah : Je travaille sur une performance pour le théâtre de Charleville- Mézières.
Où sera présentée votre pièce ?
Damien : A la Dolce Vita à Bruxelles. Et sûrement dans différents centres culturels, on attend les confirmations.
Je voulais terminer en parlant des ambiances sonores, pouvez-vous m’en dire quelques mots ?
Sarah : SERVICE SPECIAL a composé les ambiances sonores de la pièce, c’est le projet solo de Sébastien Schmit. C’est une bande originale qui a été spécialement créée pour le spectacle. J’aimais beaucoup sa musique et nous nous sommes rejoints pour ce projet. En plus des ambiances de Sébastien, il y a les souffles et les respirations des comédiens qui amènent la dimension organique de La Pièce.
Y-a-t-il quelque chose que vous aimeriez rajouter ?
Sarah et Damien : On teste des choses, on essaie !
C’est courageux !
Merci vous deux !. Merci pour votre enthousiasme et merci de votre accueil.
Interview de Véronique Perrault
Photos noir et blanc de Karine Barbareau
LA PIÈCE : Atelier de La Dolce Vita – Rue de la Charité 37a – 1210 Saint Josse du 8 au 12 avril 2008