Un producteur souhaite qu’Olivia, une actrice "bankable", accepte le grand rôle féminin de son prochain film. Et pour la convaincre, il se lance à corps perdu dans le scénario, interprétant avec passion tous les personnages. D’abord confrontée, dans un avion , à "un grand type basané avec un couteau et un tapis de prière", l’héroïne se sent menacée et serait prête à lui enfoncer le couteau dans le ventre : "voilà pour les tours, voilà pour la civilisation et voilà pour nous tous !" Mais elle ne passe pas à l’acte. Et même... tombe follement amoureuse de ce Mohamed, bien sûr terroriste et... coresponsable de la tragédie du 11 septembre. Drame cornélien pour une femme qui a perdu son amant dans l’effondrement des tours du World Trade Center.
Cette histoire truffée de rebondissements invraisemblables, de clichés et de détails sordides, le producteur la poursuit avec une fièvre irrépressible. A coups de nombreuses répétitions qui traduisent sa crainte de mal s’exprimer ou d’être incompris. Cependant, à travers des remarques cyniques, il déshabille la fabrication du produit : "Le coeur est un organe plus grand que le cerveau, comme on dit dans cette industrie que nous appelons le spectacle." Il salive, en multipliant les fusillades et les scènes de sexe, en titillant une islamophobie primaire, en imaginant le tailleur Versace porté par la comédienne, en mimant des cadrages poignants et en rêvant à des récompenses garanties.
Alternant envolées frénétiques et clins d’oeil complices, Olivier Coyette incarne ce personnage exalté et roublard avec une maîtrise remarquable. Le rôle d’Olivia, tenu par Edwige Baily, est plus ingrat. On s’attend à ce qu’elle émette des critiques, fasse des suggestions ou pose des questions. Eh bien ! Non. Délibérément muette, elle écoute, se contentant de manifester un agacement de plus en plus perceptible, par ses mimiques et ses gestes. Elle est l’otage de ce récit délirant. Comme les spectateurs qu’elle représente. On a vite compris les intentions de Mark Ravenhill. Grâce à ce producteur, grisé par son mélo sanglant, il souligne la fascination de la fiction et stigmatise la manipulation des consommateurs de cinéma. Son ironie parfois mordante ne masque pas le ressassement des propos. Sans conflit ni progression dramatique, le monologue tourne en rond.
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