Depuis que sa mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer, Marie Couturier veille sur elle, avec une tendresse de maman. Mais malgré les bains, son corps, gavé de médicaments, exhale une odeur répugnante. Un supplice pour cette créatrice de parfums. Hors de question pourtant qu’elle soit abandonnée dans une maison de repos. Marie se souvient avec attendrissement de cette mère, qui mettait tout son honneur à sortir avec six enfants...impeccables. Elle ne voudrait pas non plus la priver du bonheur que lui offre une journée à Coxyde.
Séparés depuis 14 ans, Marie et Stéphane ont gardé de bonnes relations. Témoin, le repas de Noël qu’ils partagent avec leur fille, "la réussite de leur couple". Si Stéphane est heureux avec Chantal, Marie se persuade qu’à 64 ans, elle n’a plus l’âge de vivre un grand amour. Elle juge son corps avec une sévérité impitoyable. Ses beaux yeux verts et ses dents bichonnées ne masquent pas les pattes d’oie et les bras fripés. Inscrite sur un site de rencontres, elle est désagréablement surprise par l’âge avancé des hommes intéressés. Constatation cruelle atténuée par sa fille. Justine a rompu avec son amoureux, qu’elle juge trop plan-plan et ne tarit pas d’éloges sur son nouvel amant. Quand elle apprend que cet homme a des enfants qui ont atteint la quarantaine, Marie se sent revigorée.
Dotée d’une sensibilité olfactive exceptionnelle, Marie Couturier est devenue un "nez" réputé. Son parfum "Valparaiso" a remporté un énorme succès. La directrice de sa boîte voudrait que cette réussite professionnelle la rende plus conquérante. Elle la pousse à fréquenter les dîners mondains, lui montre l’exemple d’une femme mûre, qui lutte contre l’usure du temps grâce à la chirurgie esthétique. Peu convaincue, Marie accepte une dernière mission avant la retraite : inventer un nouveau parfum destiné aux femmes de son âge (disons la quarantaine !). Pour la seconder, elle choisit parmi trois candidat(e)s, un collaborateur : Alexis, nettement plus jeune qu’elle...
La fluidité de la mise en scène aère le monologue. Nous passons de la loge d’Hélène qui revient sur son passé à l’appartement de Marie qui observe le vieillissement de son corps et revit des émotions : joie, désillusion, doute, panique, espoir. Autre rapprochement entre réalité et fiction : le cadreur Gaspard Audouin filmant Hélène suggère la relation qui s’établit entre Alexis et Marie. En éclairant les liens qui unissent l’héroïne à sa mère et à sa fille, Geneviève Damas illustre subtilement les cycles de la vie. Contrairement aux préjugés et aux stéréotypes, l’évolution physique et morale de la femme ne devrait pas la condamner au déclin et au renoncement. Hélène Theunissen maîtrise remarquablement ce texte incisif, sans fioritures, où se mêlent émotions retenues et humour mordant. Marie n’est pas une revendicatrice, mais une femme sincère, qui nous touche par ses doutes et sa difficulté à saisir sa chance.