Une écriture singulière…
Lorsque j’ai rencontré Luc Leprêtre, je venais d’achever la lecture de son récit écrit avec le Professeur Marcel Rufo . Le livre publié au printemps dernier aux éditions Anne Carrière, faisait entendre en alternance la voix du médecin en écho à celle de Luc Leprêtre qu’un accident de montagne avait rendu tétraplégique.
Ce sont deux voix singulières qui s’interrogent sur le basculement d’une vie lorsque le verdict de la médecine tombe, irrévocable, définitif, scientifique. « Tu ne pourras plus jamais marcher » s’entend dire un jeune homme qui devra se rendre à cette évidence et commencer à se reconstruire et à vivre à nouveau parmi ceux qu’il appelle avec humour les « bipèdes ».
J’ai été ému à la lecture de ce témoignage. Ému par la vie, l’espoir, la volonté de ce jeune homme frappé dans sa chair, par la fatalité et l’absurde d’un accident survenu pendant une randonnée en montagne. Mais j’ai aussi été intrigué et touché par la manière dont Luc Leprêtre avait écrit ce témoignage. A chaque ligne (dans l’interview qu’il m’a accordé il a insisté sur le fait qu’il était le seul auteur de « ses » pages !) se fait entendre une musique particulière, celle qui soutient la phrase, le paragraphe, le chapitre pour lui donner une véritable forme qui la distingue du témoignage ou du récit de vie. Et c’est de là, je pense, que naît une émotion différente, au-delà du vécu de ce jeune homme, dans cette dimension particulière de l’écriture littéraire. Le livre évoque des anecdotes de la vie quotidienne du handicapé. La plupart de celles-ci me donnaient le sentiment d’avoir été composées par un nouvelliste ou un romancier. Il eut suffi de les développer un peu pour en faire de véritables fictions romanesques. Lorsque j’ai évoqué à Luc Leprêtre cette lecture que je faisais de son récit, j’ai remarqué le petit sourire qui éclaira son visage. « Un producteur de cinéma s’intéresse à mon livre… » me glissa-t-il. Moi, je pensais littérature davantage que cinéma et lui proposai d’écrire une nouvelle à partir d’une anecdote de son livre…Cette nouvelle, il l’a écrite et l’a publiée dans la page littéraire d’une revue...destinée à des médecins !
Je prenais alors le pari que d’autres livres suivraient bientôt, signés Luc Leprêtre, romancier et qu’ils ne se trouveront pas dans les rayons « récits de vie » des librairies, mais sur les tables où sont disposés les ouvrages de littérature générale. La vraie littérature.
Ce moment est arrivé avec la publication du (premier) roman "Club V.I.P." aux Editions Anne Carrière.
Le roman de Luc Leprêtre met en scène un groupe d’amis qui décident de monter leur entreprise. Lassés d’être recalés à chaque entretien d’embauche auquel ils se présentent, ils ont décidé de transformer leur (supposée) faiblesse en (redoutable) outil de travail. Ils décident en effet de vendre à une clientèle pressée, la possibilité de gagner du temps ! Comment ? En leur faisant bénéficier des accès prioritaires aux caisses des grands magasins, des parcs d’attraction, des salles de spectacle…J’oubliais de préciser : nos jeunes héros sont handicapés et se déplacent en fauteuils roulants.
La magie de l’invention romanesque de Luc Leprêtre est qu’il nous fait oublier que ses personnages sont « différents ». On ne retient d’eux que leurs prénoms (Jérémy, Aminata, Samy). Ils sont d’authentiques personnages dans le roman…comme les handicapés sont autant de personnes authentiques et uniques dans la vie. C’est ainsi que Luc Leprêtre, par la grâce de son talent d’écrivain, arrive à modifier notre regard sur le handicap. Après avoir lu l’ingéniosité, les défauts de caractère, les malhonnêtetés, les rêves, les amours, les espoirs, les défaites et les victoires de chacun de ces jeunes gens, personne ne pourra leur contester d’être des individualités à part entière !
Plongez-vous dans les péripéties de cette petite entreprise qu’est le « Club VIP »…un livre à lire, un auteur à découvrir.
Et Luc Leprêtre nous donne dans un style pétillant, une narration éclairée par l’humour généreux de celui qui a tourné la page du handicap, mais surtout qui va transformer votre regard sur le handicap...Et c’est bien cela le rôle de la littérature : enrichir le regard d’une nouvelle lumière à chaque lecture, et ce livre irradie !
Edmond Morrel
Ecoutez l’interview que Luc Leprêtre nous avait donné en avril 2008 au moment de la publication de son témoignage, co-écrit avec le professeur Marcel Ruffo. Il y évoque le projet d’écrire...Un an après, le roman est dans les librairies. Le titre : "Clib V.I.P." Courez l’acheter, lisez-le, offrez-le autour de vous...!
Pour mieux connaître l’auteur, lisez le témoignage co-écrit avec le Professeur Marcel Ruffo, publié aux éditions Anne Carrière :
- Le premier livre de Luc Leprêtre : un témoignage à deux voix sur le handicap
Présentation de "Club VIP" par l’éditeur Anne Carrière :
" La réunion se tenait dans son salon, la veille du lancement officiel de l’entreprise. Les “Roues Nickelées”, comme ils aimaient à se présenter, étaient fin prêts pour démarrer cette nouvelle aventure. Pneus gonflés, châssis reluisant. Il ne restait plus qu’à se lancer. " Quand Jérémie, paraplégique, et ses deux amis tétraplégiques, Samy et Aminata, décident de créer leur entreprise, c’est avant tout pour montrer au monde ce dont ils sont capables. L’idée leur est venue dans un parc d’attractions, alors qu’ils plaisantaient sur les avantages du fauteuil roulant : pas de file d’attente pour les manèges, des caisses prioritaires et une place de parking toujours assurée. Et s’ils en faisaient profiter les pauvres valides ? V.I.P. (Very Invalid Person) est lancé. L’amoureux de l’enseignement rejeté par l’Éducation nationale sera en charge des visites avec les enfants. L’aspirante créatrice de mode aidera les fashionistas à battre toutes leurs concurrentes lors des soldes. Quant à l’ingénieur informaticien bourré d’idées, il gérera la boîte et inventera de nouvelles offres de services. Au cours de cette aventure sociale, les trois accidentés de la vie laissent apparaître leurs rêves, leurs faiblesses, leurs amours, leurs colères. Mais voilà que les fragilités resurgissent et que les mauvais réflexes refont surface. Jusqu’où a-t-on le droit d’aller sous prétexte qu’on n’est pas reconnu dans la société ?