Marc, qu’est-ce qui t’a séduit particulièrement dans le projet ("des Ours Pandas") sur lequel tu travailles maintenant ?
C’est d’abord le texte ! Je ne le connaissais pas. C’est Xavier Campion qui m’a téléphoné en me disant « J’ai un truc à te proposer ». Et Xavier, c’est un gars que je croise depuis quelques années mais on n’a jamais travaillé ensemble. Puis, il m’a dit que ça faisait longtemps qu’il avait envie de travailler avec moi. Déjà il me flatte, ce qui est très bien (...rires...). C’est toujours bien de flatter un comédien... Il m’a dit qu’on allait monter cela avec Flore Vanhulst, que je connaissais, parce qu’elle avait été l’assistante de Philippe Vauchel dans un truc qu’on avait joué dans les administrations communales, dans les Ardennes : un truc de fou mais très agréable… Pour en revenir à Xavier, il m’a fait lire le texte de Matéi Visniec : un texte de malade qui parle de… je ne sais pas très bien … la mort, peut-être, aussi de tous des sujets légers qui échappent à la lourdeur de la terrestre vie malhonnête, malsaine,… Donc en résumé ce qui m’a décidé c’est le texte et un peu les flatteries de Xavier. Et aussi, j’essaie de dire non le moins souvent possible à un jeune projet hors grand théâtre.
Si tu devais résumer ta carrière en 5 lignes, ça donnerait quoi ?
J’ai fait énormément de jeunes compagnies qui m’ont appris le métier que j’aime et c’est une chance que j’ai eue même si cela m’a fait beaucoup ramé avant d’avoir un premier contrat professionnel. Dans l’absolu, je souhaite cela à tout le monde : apprendre son métier en jeunes compagnies plutôt que dans des trop grands théâtres.
Un nom de jeune compagnie où tu es passé dans tes débuts ?
Il y en a eu beaucoup. On en a créé une, d’ailleurs : la compagnie « Act-hours » avec Jacques Neefs, Pierre Hardy, Dominique Hermans, … des noms de mon âge. Mais toujours sans argent. Donc, on n’a jamais pu se reposer sur de la technique, du décor ou des costumes. On a toujours dû se reposer sur le texte, sur le jeu et je crois que c’est le meilleur apprentissage.
Tout cela c’était au début... et ensuite ?
Je suis sorti du Conservatoire en 87 et, pendant les quelques premières années, j’ai joué en jeunes compagnies jusqu’à ce qu’arrive mon premier contrat vraiment professionnel au Théâtre des Galeries avec la première Revue en 94.
Comment es-tu entré au Théâtre des Galeries ?
Par audition… Je connaissais 3 ou 4 personnes qui avaient fait la Revue avant moi - des filles surtout, qui à l’époque ne faisaient pas grand chose à la Revue, à part montrer leurs jambes. Et comme je chantais, ces filles m’ont dit : « Pourquoi ne viendrais-tu pas faire la Revue en tant que comédien ou chanteur ? ». Seulement à l’époque, la Revue c’était les comédiens connus qu’on venait voir dans autre chose : Georges Pirlet, Jean Hayet,… On venait les voir faire le pitre, chanter un petit peu. Et quand moi je suis arrivé, cela commençait doucement à changer. Ils ont commencé à chercher des artistes spécialisés : quelqu’un qui chante, quelqu’un qui fait le comique, on a laissé les filles s’exprimer davantage, …. Il y a eu un renouvellement. Quelqu’un aux Galeries à parlé de moi au Directeur, Jean-Pierre Rey à l’époque. Alors, j’ai fait une audition. J’ai été chanter mes petites chansons avec la pianiste… qui était entrée à la Revue comme accompagnatrice. C’est sûrement elle qui a parlé de moi au Directeur…
Depuis, tu participes à la Revue chaque année : quel y est ton registre artistique ?
Des Revues aux Galeries, j’ai dû en faire une quinzaine. Je chante, je fais un peu d’imitations, je danse (je veux dire : je bouge du mieux que je peux). Mais encore une fois, maintenant il y a de vrais danseurs à la Revue, de vrais chanteurs, de vrais comiques et parfois, on mélange ! Il y a d’ailleurs une chorégraphe qui fait des chorégraphies compliquées : ça fait un peu « émissions des années 80 » ou bien, les images qu’on voit à la TV actuellement avec des chorégraphies pour accompagner des chanteurs qui chantent sous de la musique qui bouge.
Qu’est-ce qui te plaît, toi, dans ces spectacles ?
Ce qui me plaît c’est que c’est une très longue série. Deux mois de représentations, c’est très rare dans notre pays... Ce qui me plaît également, c’est le changement de costume tout le temps, le changement de personnages. Et puis, j’adore chanter et je crois pouvoir dire que je chanterais le bottin que cela me plairait encore. Aussi, ce que j’aime énormément c’est de faire rire : j’adore une sale qui rit. C’est aussi le seul spectacle où on est tous partie prenante à un moment sur scène. Si on ne fait pas son boulot hors scène, on ne peut pas réussir son entrée sur scène après… Il y a quelqu’un qui avait cette définition de la Revue à l’époque : « On fait le tour du décor : quand on est sur scène, on chante un tout petit peu ou on joue, et puis on tourne, on se change,… » En fait, on est beaucoup plus longtemps en coulisses à se changer et à courir (se maquiller, se changer, se foutre une perruque, se coller des faux poils,…) que sur scène à faire des sketches. Donc si on rate la coulisse, la scène est ratée. C’est très difficile de tirer son épingle du jeu, de dire : « C’est moi la star ». Bien sûr, on prend une "star" à La Revue pour faire venir du monde- ça a été Steeman à l’époque, André Lamy. Maintenant c’est Richard Ruben. Mais à part cela, on forme vraiment une équipe.
Cette passion pour la chanson, comment t’est-elle venue ? En même temps que le théâtre ?
Non, j’ai toujours chanté. Il se fait que mon papa chantait lui aussi quand il était jeune. Il chantait dans les homes, par exemple. Il avait fondé une petite chorale, un petit groupe où ils reprenaient des chansons de leur époque qu’ils réadaptaient. Ils ont interprété Brel, Brassens,… Il y a donc toujours eu des guitares à la maison, il y a toujours eu de la chanson française : Brassens, Brel, Ferré, Ferrat, tous les québécois, … J’ai toujours eu ce plaisir-là, même avant de me rendre compte qu’il y avait des guitares à la maison. J’avais eu le premier prix de chant au jardin d’enfants. J’avais une voix claire. Je crois que c’est ça qu’on appelle un don ou un cadeau du ciel. C’est un petit secret mais je devais chanter pour m’endormir (nous étions trois garçons dans la même chambre, ils ont dû me supporter… ). Sur mon oreiller je chantais en faisant aller ma tête de gauche à droite pour battre le rythme.
Qu’est-ce qui fait alors que tu as voulu faire du théâtre ? Pourquoi ne pas avoir continué dans la chanson ?
Alors ça c’est parce que je suis un ancien bègue. Je suis devenu bègue vers 14, 15 ans : une perte de confiance, je ne sais pas quoi… J’ai été voir une logopède qui m’a fait prendre conscience du pourquoi et du comment. Le problème principal était que je voulais dire trop de choses à la fois. Alors, il a fallu apprendre à respirer, à sérier son langage, à analyser sa pensée. Et une des pistes pour prendre confiance, pour apprendre à respirer mieux : c’était de faire du théâtre. Alors j’ai fait un an de diction et de déclamation. C’est en déclamation que je me suis rendu compte que je devais dire les textes des autres. En fait, en tant que bègue, on se rend compte que lorsqu’on dit des textes d’autres, on arrive plus facilement à articuler sa pensée : à avoir confiance en son discours. Et puis, une chose qui a peut-être eu son importance, c’est qu’à la fin de mes humanités, on a monté une pièce à l’école : une pièce policière. Mes parents m’avaient poussé à y participer pour surmonter ma timidité… J’avais tenu un rôle assez conséquent et j’ai senti que j’aimais bien. Mais c’est vraiment suite à la déclamation que ça m’a pris, alors j’ai dit à mes parents : « Je veux faire du théâtre ! ». Ils m’ont répondu : « N’es-tu pas trop timide ? ». Mon père avait aussi, quand il était jeune, une troupe amateur, donc quelque part c’était déjà dans le sang…
Pour en revenir à la chanson : tu es aussi compositeur. Quel genre de chansons composes-tu ?
Ce sont des chansons qu’on appelle à texte mais ça ne se prend pas du tout au sérieux. Il y a des chansons pour faire rire et pour interpréter sur scène des personnages ou des états comiques. Sinon, beaucoup de balades mélancoliques. C’est de la chanson d’un autre temps, me dit-on, par rapport aux nouvelles chansons françaises, que j’adore, en général (Bénabar, Saint-André,…). Moi je fais autre chose : de la chanson « carrée », avec des strophes, pas nécessairement avec un refrain mais avec tout de même un texte bâti. Toujours sans se prendre au sérieux… Cela parle : ou d’un mal-être, ou d’un incident qui s’est passé, ou de quelqu’un que j’ai rencontré et que j’aime beaucoup, ou encore d’une situation que j’ai mal vécue ou qui m’a fait trop rire,… C’est la vie de tous les jours avec beaucoup d’amour : beaucoup chanter l’amour parce que c’est le plus beau thème qui existe.
Et tu as sorti un CD avec tout ça ?
Non… J’ai fait des maquettes et tout le bazar… Cela fait quelques années que j’ai tendance à dire que je ne mourrai pas sans avoir fait un CD. Maintenant, il y a un processus qui est en cours, je ne sais pas combien de temps cela va durer mais j’ai rencontré la personne idéale pour cela. Dans les 2 ans logiquement, il y a quelque chose qui va sortir. Juste pour voir si ça plaît à du monde ou pas.
Pour l’instant, on peut donc t’entendre dans les cafés-théâtres…
Oui. Ceci dit, j’ai eu la chance de chanter au théâtre des Galeries pour mes 40 ans. Pour ma 10ième Revue, le Directeur David Michiels m’a fait ce beau cadeau : un soir, une salle pleine, un lundi de relâche durant la Revue. Comme c’était bourré de lumières, bourré de sons, on en a profité, avec 3 ou 4 musiciens, des copains qui sont venus faire des duos et tout ça… Là, j’ai chanté devant 800 personnes. Sinon, je chante devant 40 ou 50 personnes, dans des salles comme la Samaritaine. J’essaie de faire cela, une fois par an. En fait, la chanson ne me fait pas vivre. Le théâtre me fait manger. Parfois plus, parfois moins… Cela ne m’empêche pas de faire, encore chaque année, des trucs en jeunes compagnies parce que j’adore ça, que c’est vraiment là qu’on ne s’use pas, qu’on ne se rouille pas. En continuant à se confronter à des jeunes, on continue à remettre en question sa manière de travailler.
D’ailleurs, tout récemment, on t’a vu à la Clarencière jouer pour une jeune compagnie…
Cette année-ci j’ai participé au projet de deux ou trois jeunes compagnies. Dernièrement dans deux pièces de Musset « Un Caprice » et « Il faut qu’une Porte soit ouverte ou fermée » sur lesquelles, j’ai travaillé avec Frédérique Panadero dont c’est la première vraie mise en scène professionnelle. Elle se tape Musset, qui n’est pas facile actuellement : ça n’attire pas beaucoup de monde. Mais je pense que si je dis non à cela, je rate quelque chose dans mon parcours. De mon côté, je peux lui apporter ce que j’ai comme expérience, même si ça ne veut pas dire grand-chose car c’est la 2ème fois de ma vie que je joue du Musset.
Il y a ce truc aussi de se découvrir humainement. J’aime bien les gens, les gens gentils…
Les jeunes compagnies, c’est visiblement très important pour toi…
Je pense que si je ne travaillais qu’aux Galeries ou au Parc, je me rouillerais dans un certain système de jeu, parce qu’on le sait bien : dans ces grands théâtres, il n’y a pas le choix, on ne peut pas travailler longtemps. On ne nous donne pas le temps et on ne se donne pas le temps de travailler à fond. Comme il y a 5 ou 6 pièces sur une saison, on ne peut répéter que 26, 27 fois. Alors, à force, cela devient de moins en moins difficile car on sait comment cela fonctionne et on ne nous prend plus que pour un type de rôles-là. Mais aux Galeries, j’ai eu 10 ans de bonheur où j’ai joué plusieurs rôles super intéressants. Maintenant de moins en moins, … Donc, oui, sur 26 fois, on n’a pas vraiment le temps d’entrer dans un texte. Aussi, c’est un théâtre basé sur l’apparence et sur l’humour. Ce n’est pas le théâtre qui est fait pour explorer le fond de l’âme humaine. Il y en a d’autres pour cela… Tous les théâtres sont complémentaires et ils doivent tous exister. Aux Galeries, on ne se prend pas trop la tête, mais j’aime dire, quand même, qu’on travaille beaucoup. Parce qu’on ironise beaucoup autour de la Revue, par exemple. Mais c’est une création chaque année, et qu’on vienne voir le travail que cela représente. Ce n’est peut-être pas l’humour à la mode : ironique ou que sais-je, c’est de l’humour bon enfant, et les gens y viennent en nombre.
Aux Galeries, tu as donc interprété un répertoire classique…
Les Galeries c’est un théâtre populaire : dans le grand, le beau sens du terme. Parfois, dans la saison, ils mettent un truc différent. Par exemple, j’ai joué un super rôle dans Pirandello « À Chacun sa Vérité ». Jamais, il y a 10 ans les Galeries n’auraient fait ça. Mais j’ai joué plus de classiques : Molière, Marivaux, Feydeau, Shakespeare un tout petit peu, bien que pas assez, ... J’ai joué aussi beaucoup de pièces policières : Agatha Christie ,…
Et que penses-tu du théâtre contemporain ?
J’aime tous les théâtres. Il y a des théâtres qui m’énervent comme le National. Avec tout l’argent qu’ils ont, ce qu’ils en font : cela me révulse… Le Varia, j’y vais quand il y a quelque chose qui me plaît. Là, j’ai été vexé (il y a un petit temps de cela) parce que, comme je jouais aux Galeries, je n’ai pas eu droit à l’audition. Je vais voir du théâtre contemporain en jeunes compagnies, chez les amateurs, pour découvrir des pièces… Je vais voir des auteurs de maintenant. J’ai joué dans des trucs que des gens ont écrits pour moi… Par exemple, Fabrice Gardin m’a écrit une pièce qui, j’espère, sera montée à Ittre. J’aime tous les théâtres pour autant qu’ils me racontent une histoire que je comprenne et qui me touche.
Des nouvelles tendances comme le « théâtre-physique » ou le « théâtre-mouvement » te plaisent-elles également ?
Pourquoi pas… D’abord, je suis assez sportif (rires). Au début même, je voulais être prof de gym et puis mon fémur a bougé. On a dû mettre des broches dans la jambe donc on m’a déconseillé de faire une licence en gym.
…Pour notre plus grand bonheur, sinon tu n’aurais jamais fait de théâtre !
Marc, dans quoi n’aimerais-tu surtout pas jouer ?
Dans un film porno, je suppose (rires)… Au théâtre, je refuserais de jouer Hitler dans une pièce qui fait l’apologie du nazisme. Si c’est jouer Hitler pour le ridiculiser ou dénoncer son fonctionnement : oui. Mais autrement, il est clair que je ne jouerais pas dans ce qui prône le contraire de mes valeurs. J’espère rester honnête dans cela jusqu’au bout. Je dois avouer que, comme tous les comédiens du monde, j’ai déjà accepté des trucs qui ne m’excitaient pas ou simplement, pour faire plaisir. Mais c’est un métier, et il faut vivre : donc je dis oui. Je n’en ai pas honte. De tout de façon, j’aime être sur scène…
Quels sont les comédiens, metteurs en scènes, … qui ont particulièrement enrichi ton parcours ?
Il y a eu d’abord mon premier prof de déclamation et d’art dramatique François Mairet qui joue, hélas, beaucoup moins maintenant mais qui fait beaucoup de doublages et de pubs. C’est lui qui a été mon premier guide. Et puis, il y a eu Dominique Haumont qui m’a permis de me dépasser, sortir de ma timidité. Par exemple, il m’a fait jouer dans un opéra rock sur le parvis de la cathédrale Saint-Michel. Il a aussi été co-directeur au théâtre des Galeries et grâce à lui on a pu vivre des choses insensées. Il y a eu Bernard Lefrancq, qui m’a beaucoup mis en scène. Il a un sale caractère, aussi sale que le mien… Avec lui, on a ri, on s’est engueulé. Il m’a donné la possibilité de jouer avec plein de gens, interpréter plein d’auteurs. Il m’a permis de prendre des risques, d’aller jouer en jeunes compagnies. Chaque année, depuis maintenant 12 ans, je fais la tournée d’été du théâtre des Galeries avec lui. Il m’a mis en scène dans des lieux impossibles où l’on doit changer la mise en place tous les jours selon qu’on joue dans une ferme, dans un château,… On joue dehors, dans des lieux qui ne sont pas faits du tout pour le théâtre, dans des lieux où il faut hurler de face parce qu’il y a 600 personnes. Bernard Lefrancq fait beaucoup de spectacles humoristiques au Koek’s Théâtre, à la Bouch’rit à Liège, au Comic’art. Et puis, il y a eu Claude Enuset qui m’a permis de jouer Dr. Jekyll et Mr. Hyde, seul. J’ai eu la grande chance également de rencontrer Jean Hayet - Madame Chapeau - qui n’a peut-être rien fait pour moi professionnellement, et encore, je n’en suis même pas sûr. Un être humain magnifique, d’une culture exemplaire mais sans étalage. Jean Hayet était avant tout un grand humaniste ! Voilà, j’espère n’avoir oublié personne. Ce sont toutes des personnes qui ont été des repères pour moi.
Et toi, de la mise en scène, tu en as fait pas mal non plus…
Pas beaucoup. Pour ma toute première, j’ai remis en scène, 10 ans après, ce Feydeau que j’avais joué en début de carrière au Festival de Spa. Puis, avec Pierre Pigeolet, on a écrit et mis en scène un spectacle. Disons que j’ai mis en scène quelques pièces à 2, 3 ou 4 personnages dans des petits lieux. C’est tout ce que je sais faire… Je ne suis pas un vrai metteur en scène : je ne suis pas un faiseur d’images, je n’ai pas une vue d’ensemble immédiate de ce qu’on va faire. J’ai une vue d’ensemble mais au fur et à mesure. Je ne me sens pas non plus créateur d’options fulgurantes pour relire un ancien auteur ou même un nouveau. J’aime bien diriger des comédiens dans la pleine confiance mutuelle et ce doit être dans des thèmes où on parle de relations humaines, des trucs qui me collent de près.
Et le cinéma, ça t’intéresse ? Tu en as fait ?
(Rires). Mais non, je n’ai pas du tout envie de faire du cinéma !! Qu’est-ce que j’en ai à foutre du cinéma ! D’abord, je ne savais même pas qu’il y a du cinéma dans notre pays… Non, sans rire, évidemment que si je pouvais, j’en ferais et je crois même que je serais bien fait pour cela. Moi, je suis plus à l’aise dans les petits lieux que dans les grandes salles. Donc, je me dis que je serais peut-être plus à l’aise dans un petit cadre, une caméra. J’aime bien essayer de retrouver le parler vrai. Je ne suis pas un grand articulateur, je ne suis pas connu pour cela. Je suis plutôt connu pour… pour…au fait, je ne sais pas du tout pour quoi je suis connu…En fait, je ne suis pas connu mais disons que, au sein du milieu, on me reconnaît peut-être une certaine profondeur. Mais donc le cinéma, si on m’en propose, je dirais bien oui. Par contre, je ne pense pas être fait pour la publicité. Mais comme je n’ai pas mon CV dans des boîtes de casting, ni sur des sites internet, forcément les opportunités dans le cinéma n’arrivent pas. C’est un peu de la faute de tout le monde. Je trouve que les « casteurs » devraient venir au théâtre plutôt que de ne réaliser que des castings chez eux, à froid, devant la petite caméra.
J’en reviens encore à ton "impressionnante" carrière puisque tu as joué dans plus de 90 pièces (sans compter les mises en scène) qu’est-ce qui a changé chez le comédien que tu es devenu par rapport à tes débuts ?
90 pièces ! Mais où as-tu trouvé ça… ? 90 ! Ce qui a changé ? J’ai perdu beaucoup de cheveux. Pour être un peu sérieux, je pense que j’ai gagné en culture (à force de faire du théâtre, j’ai lu plein de pièces et parfois j’ai lu des informations complémentaires pour me documenter). Sinon, j’ai cru qu’avec le temps, j’allais gagner en confiance, qu’au fur et à mesure des spectacles, j’aurai de moins en moins de craintes… Mais en fait, c’est encore pire. Plus ça avance, et plus on se sent démuni par rapport à un début de répétition. Cela dit, je crois, quand même, que les choses se font plus vite, que je trouve plus vite le trajet de mon personnage. Et puis aussi, quoi que je dise, j’ai acquis volontairement ou non, une série de trucs qui m’aident dans le cas de metteurs en scène insuffisants. Des trucs qui me permettent dans une grande salle, par exemple, de faire croire que je suis très triste. J’ai gagné ça. C’est pas très beau, mais il n’y a parfois pas le choix. Sinon, je suis persuadé d’avoir gagné en relations humaines, en analyse de l’être humain… Et donc, j’ai moins d’amis qu’avant. Avant, j’aimais tout le monde, maintenant… je n’aime plus tout le monde. Avant je ne me méfiais de personne, maintenant... je me méfie un petit peu plus. Sinon, je ne suis pas meilleur comédien… Enfin, si : je sue moins à la première lecture, je suis moins trouillard. Je ne me dis plus : « Il faut que je prouve… ». Je suis arrivé, en tout cas en jeunes compagnies, à me dire que je n’ai plus rien à prouver, que c’est pour le plaisir et je donne le maximum. J’ai moins de barrières qu’avant, moins de timidité, je suis prêt à aller plus loin parce que je sais que ce n’est quand même que du théâtre et que j’ai moins d’importance que ce que je croyais quand j’avais 20 ans. Mais j’ai quand même bien fait mon chemin, je n’ai pas arrêté. Il faut que je sois sur scène : c’est une drogue qui ne fait pas trop de mal. Mais aujourd’hui, je joue de moins en moins dans les grands théâtres (les Galeries,.. ), par contre, je joue plus en jeunes compagnies. Pour les sous, cela change tout. Je me sers beaucoup plus la ceinture qu’il y a 5 ans, par exemple.
Et cela vient de quoi ?
Peut-être parce qu’aux Galeries, ils font des changements. Peut-être parce que mon caractère est devenu moins facile. Peut-être que je ne corresponds plus à la mode que le directeur veut imprimer à son théâtre. Mais bon, j’ai eu beaucoup de chance de travailler dans ce théâtre pendant 13 ans ; maintenant, c’est le tour des autres. Peut-être que c’est un passage de la quarantaine difficile, que je rejouerai mieux les vieux…
Un tout grand merci à toi, Marc. On te retrouve donc dans « L’Histoire des Ours Pandas racontée par un Saxophoniste qui a une Petite Amie à Francfort » de Matéj Visniec du 12 au 29 mars à l’Arrière-Scène. Ensuite au Koek’s Théâtre avec Bernard Lefrancq, pour une création qui s’intitule "Les Faux-Frères", un spectacle d’imitations, de sketches du 21 au 24/5 et du 28 au 31/5. Et enfin, en été, en Avignon, avec les deux pièces de Musset qu’on a pu voir à la Clarencière et deux courtes pièces de Ghelderode.
Interview recueillie par Nathalie Lecocq le 28/02/08