En découvrant la scène, on comprend mieux pourquoi la compagnie a choisi cette locution comme nom pour elle et pour son premier spectacle. Un échafaudage de deux étages, flanqué de portiques en tubulures métalliques et hérissé de divers objets déplacés, comme une roue de vélo, domine le plateau qui accueille différents engins manifestement mécaniques et/ou électriques. Une véritable machine de cirque !
Et encore, Vincent Dubé à l’origine du spectacle, comme de la compagnie, voulait en faire encore plus, imaginant une très grosse machine qui envoyait des objets et des agrès aux artistes. Mais à la création du spectacle, il est apparu que l’aspect mécanique prenait l’ascendant sur le côté humain de la performance. Il a donc été réduit pour revenir à l’essentiel.
Il faut dire que Vincent Dubé, au nombre des cofondateurs de la compagnie Machine de Cirque en 2013, trouve ici un exutoire à ses deux passions : le cirque et l’ingénierie. Il sillonné le monde comme artiste de cirque pendant plus de 20 ans, notamment avec le Cirque du Soleil et le Cirque Éos. Mais l’homme possède également un baccalauréat en génie civil obtenu à lʼUniversité de Laval qu’il ne se gêne pas de mettre en pratique pour créer la signature artistique de Machine de Cirque.
Au début, un homme apparaît de la toile qui recouvre l’échafaudage et commence à faire des percussions sur les tuyaux métalliques. C’est comme un signal adressé aux quatre gaillards qui prennent possession de la structure, montant au sommet, s’en laissant tomber avec plus ou moins de retenue, le but étant manifestement de prendre ses marques et de s’échauffer.
La trame narrative annoncée – les gars sont seuls au monde et cherchent à contacter dʼautres rescapés à lʼaide dʼune étrange machine – est plutôt ténue et se résume à deux séquences où l’on sort une antenne qui essaie de capter des ondes au milieu des interférences. Qu’importe, les quatre circassiens (Guillaume Larouche, Philippe Dupuis, Samuel Hollis et Laurent Racicot) empoignent quasi tout ce qui leur tombe sous la main pour réaliser de véritables prouesses.
Voltige, acrobatie, trapèze, mât chinois, jonglerie avec les massues, à deux, puis trois et même quatre, planche coréenne – cette planche à bascule où se placent deux, voire quatre acrobates pour se propulser en hauteur à tour de rôle en effectuant des figures acrobatiques – , ils alignent les numéros propulsés par les rythmiques d’un musicien multi-instrumentiste (Olivier Forest).
La séquence des serviettes de bain vaut à elle seule le déplacement. Au son d’un orage, les quatre gaillards turbulents se déshabillent pour profiter de la pluie battante. Au moment d’ôter leur dernier sous-vêtement, l’un d’entre eux dissimule son intimité derrière un drap de bain. Il est rejoint par un autre puis encore un autre. Mais une serviette pour trois, c’est un peu juste. Arrive le quatrième drapé dans plusieurs pièces de tissus qu’ils se partagent. Chacun la sienne, les serviettes peuvent commencer à tourner. Ils multiplient les figures, chacune pour soi ou tous ensemble, les acrobaties et les risques sans jamais lever le voile sur leur service trois pièces.
Petit bijou d’adresse, d’humour et de dérision, cette séquence est exemplative de la maîtrise de la technique que déploient les artistes. A preuve supplémentaire, ils sont censés être cinq plus le musicien) sur scène mais ne se produisent qu’à quatre. Blessé, Thibault Macé n’est pas de la partie mais cela ne semble poser aucun problème au groupe qui s’adapte à la situation et réalise des performances même en nombre réduit.
Créé en 2015, « Machine de Cirque » s’est déjà joué 700 fois à travers le monde cumulant au total plus de 300.000 spectateurs. Depuis, cinq autres spectacles ont vu le jour dont « Ghost Light » présenté au dernier Festival UP organisé, en mars dernier à Bruxelles, par par UP - Circus & Performing Arts. D’autres projets sont sur la table qui allient toujours le cirque contemporain de haut niveau aux performances musicales et théâtrales. Après avoir découvert « Machine de Cirque », on ne demande qu’à en voir plus.
Didier Béclard
« Machine de Cirque » par la Compagnie Machine de Cirque, jusqu’au 19 novembre à Wolubilis à Bruxelles, 02/761.60.30, www.wolubilis.be.