Depuis 2011, la Théâtre National propose durant trois jours le XS Festival, devenu au fil du temps le rendez-vous incontournable pour tous les amateurs de théâtre, danse, cirque et musique. La particularité de ce festival est de présenter uniquement des formes courtes, de petites pièces (maximum 25 minutes) qui peuvent constituer une étape de travail destinée à être développée en une forme longue, mais pas uniquement. Certains spectacles sont conçus intentionnellement dans un format court, un peu comme si ils étaient à ces différentes disciplines, ce que les nouvelles sont à la littérature.
Un avantage non négligeable de ce format est qu’il est possible de voir une dizaine de spectacle en une soirée. On change ainsi d’univers comme on change de salle et ce pour la somme modique de 15 euros. Au total, une vingtaine d’œuvres rassemble plus de 100 artistes. Nouveauté cette année – un changement qui s’explique peut-être par le fait que Vincent Hennebicq a repris la programmation après le départ d’Alexandre Caputo pour le Théâtre des Tanneurs -, tous les soirs ce sont les mêmes spectacles qui se rejouent ce qui permet, le cas échéant, de dresser son planning sur les trois jours. Toutefois, la grande salle accueille chaque jour une performance différente.
Parmi les spectacles qui ouvrent le festival, « Désirs » de Michèle Noiret, interprété par la chorégraphe et Liza Penkova. Deux silhouettes féminines s’extirpent de couvertures de survie et dialoguent en miroir, dans une synchronisation des mouvements quasi à l’identique. Par moment, elles dissocient leurs gestes avant de les rejoindre à nouveau. Jusqu’à ce que survienne un accident. Elles partent alors dans un délire verbal polyglotte qui fera place, non sans une certaine violence, à des propos plus chauds, plus sensuels, et un retour à une gestuelle pleine de grâce où transpire le désir.
Changement de décor et de genre. « One Shot ! », de la compagnie éponyme, nous plonge dans un univers circassien des plus énergiques. Le duo d’acrobates commence par s’envoyer des morceaux de pomme dans la bouche de toutes les façons possible (du haut des gradins ou du mât, à l’aide d’une planche utilisée comme une catapulte, …) avant de se lancer un couteau entre les pieds puis des haches sur une planche harnachée dans le dos.
La Compagnie Tadam a sillonné le quartier du Théâtre National, de la place De Brouckère jusqu’à la rue Neuve, rencontrant les habitants, les commerçants, les associations. Le « compte rendu improvisé » que les trois comédiens (accompagnés d’un contrebassiste) en tirent s’intitule « Vous êtes d’ici » et constitue un instantané, une véritable tranche de vie de ce quartier avec des prostituées, les nuisances, les morts, les dealers de crack, le boucher Erwin, …
Pour prendre « La caravane de l’horreur » de la Compagnie Bakélite, il faut sortir du théâtre par le quai de déchargement pour gagner, on s’en doutait, une caravane garée dans la petite rue à l’arrière du bâtiment. Dix-sept personnes, pas une de plus pas la peine d’insister, s’entassent dans la dite caravane, « claustrophobes et cardiaques s’abstenir ». Dans la pénombre à peine dissipée par les deux lampes de poche confiées à des spectateurs, un drame se déroule. Pour éviter un animal sur la route, une voiture fait une embardée et emboutit un arbre. Une femme sort du véhicule et se dirige vers une borne téléphonique mais la forêt est pleine de menaces et de dangers. Difficile d’en dire plus sur cette pièce de théâtre d’objet sans éventer les surprises dont regorge ce petit bijou d’inventivité et d’humour noir.
Dans « Faux Départ », Ingrid Von Wantoch Rekowski s’attache aux postures, aux gestes typés, aux tics voire aux rituels qui entourent la pratique de l’athlétisme. Les saluts au public, le fait de tracer une ligne (de départ) au sol avec le pied avant de le frapper du plat de la semelle, le signe de croix avant le départ, la génuflexion dans les starting blocks avant le coup de pistolet ouvrant la compétition, tout s’agence dans une sorte de chorégraphie de l’athlétisme qui n’est pas dénuée d’humour.
« What you need to know » de Davis Freeman explore les tréfonds de l’âme humaine dans une société « surréaliste et violente ». Accompagné de trois performeurs, Davis Freeman évoque les attentats de Paris, des fusillades en Australie aux États-Unis et la tuerie au Musée Juif de Bruxelles, il estime nécessaire que vous sachiez comment utiliser une arme à feu, au cas où un terroriste laisserait tomber son arme à vos pieds. La saisir et l’utiliser pourrait vous sauver la vie et celle de vos proches. Commence alors un cours très pratique sur l’utilisation d’une Kalachnikov, d’un fusil à canon scié et d’un revolver. Ici, l’humour, certes cynique, sert le questionnement sur la propension de l’homme à tuer son prochain.
Autre petite perle du XS Festival, l’installation performative « L’objet de mon attention I : tout ce que je possède » réalisée par la Compagnie What’s Up explore nos rapports à l’objet. Entre une accumulatrice compulsive, voire maladive, et cet homme qui décide un jour de se débarrasser de tous ses avoirs à l’exception des 40 objets (vêtements compris) qui tiennent dans son sac, il y a une myriade de comportements liés à la possession, que ce soit la collection de porte-clés (la copocléphilie) ou le simple fait de vouloir emporter ce plaid défraîchi en maison de repos. La visite du musée raconte autant d’histoires, souvent très touchantes, toujours témoins d’un vécu lié à l’objet. En fin parcours, le spectateur est également invité à succomber au virus de la possession en passant par le giftshop.
XS Festival jusqu’au 16 mars au Théâtre National à Bruxelles, 02/203.53.03, www.theatrenational.be.