Le monde d’hier

Saint-Josse-Ten-Noode | Théâtre | Théâtre Le Public

Dates
Du 31 janvier au 26 février 2022
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Le Public
Rue Braemt, 64 70 1210 Saint-Josse-Ten-Noode
Contact
http://www.theatrelepublic.be
contact@theatrelepublic.be
+32 2 724 24 44

Moyenne des spectateurs

starstarstarstar-offstar-off

Nombre de votes: 1

Le monde d’hier

« Le monde d’hier » est une œuvre d’une beauté infinie. L’un des plus grands témoignages de notre temps.
Dans l’Europe d’avant 1914, Stefan Zweig sera le témoin de la plus effroyable défaite de la raison. Avec élégance et une intelligence humaniste absolument géniale, il décrit passionnément ce monde d’hier où la liberté de l’esprit était sacrée.
Dans le monde d’aujourd’hui, sa lucidité reste troublante, imparable, et d’une pertinence inouïe pour dire encore et encore que la culture est un rempart dérisoire mais un rempart absolu contre les nationalismes et nos aveuglement... Et nous rappeler que décidément « Le ventre est toujours fécond d’où est sorti la bête immonde ».

sur scène, il sera question d’amour infini, il sera question de mémoire et d’imagination. En somme, il sera question d’affirmer la vision d’un futur humaniste, telle que Stefan Zweig le rêvait, dans un spectacle que nous souhaitons à l’image de l’auteur : intelligent et d’une belle humanité.

Une production du Théâtre Le Public. Avec le soutien Du Tax Shelter de L’État Fédéral Belge via Belga Films Fund et de la Communauté Française.

Distribution

De Stefan Zweig | Adaptation Itsik Elbaz | Mise en scène collective | Avec Itsik Elbaz, Patricia Ide, Anne Sylvain

Laissez nous un avis !

1 Message

  • Le monde d’hier

    Le 14 février 2022 à 10:20 par Catherine Angelini

    Il m’est rarement arrivé de ne pouvoir applaudir à la fin d’un spectacle, tant j’étais submergée par l’émotion qu’il avait suscitée.
    Non seulement le propos de Zweig que les trois comédiens du Public ont mis en scène nous interpelle avec force, mais l’interprétation d’Itsik Elbaz est époustouflante. Était-ce parce que j’étais assise au premier rang ? J’ai eu peur pour lui tant il semblait, à un moment, friser l’apoplexie.
    Deux heures après la représentation, j’étais encore en état de choc et envahie de questions sur...le monde d’aujourd’hui !

    Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
    Se connecter
Votre message

Mercredi 16 février 2022, par Jean Campion

Des Souvenirs pour nous ouvrir les yeux

Frappé par la pertinence et la modernité du livre de Stefan Zweig "Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen", Itsik Elbaz a proposé à Patricia Ide, Anne Sylvain et Myriam Youssef d’en dégager un spectacle. Une création collective, où chacun(e) a pu démocratiquement sélectionner des textes et intervenir dans la mise en scène. Cette adaptation théâtrale nous transmet les souvenirs de l’auteur. Sans établir de ponts avec la société actuelle. Mais ce testament lucide et nuancé est un tremplin de réflexion, qui devrait nous inciter à lutter contre ses dérives.

22 février 1942. Réfugié au Brésil, Stefan Zweig se suicide. La veille, il a envoyé à son éditeur le manuscrit du "Monde d’hier". Se passant le relais, Patricia Ide, Itsik Elbaz et Anne Sylvain vont donner vie à ce récit autobiographique, en le prenant à rebours. Une remontée dans le temps, qui nous fait assister à l’agonie d’une civilisation. 1938. L’annexion de l’Autriche confirme les craintes de Zweig. Exilé depuis 1933, il partage l’angoisse des juifs autrichiens. La barbarie nazie les oblige à chercher refuge dans différents pays. Certains les rejettent. Le juif Stefan Zweig s’interroge sur le sens de cette persécution. Il reconnaît aussi avoir été un "témoin aveugle". En 1934, il était en Autriche, lorsque des fusillades ont éclaté à Vienne... Des centaines de victimes, qu’il a ignorées. Rendu célèbre par ses drames, ses essais, ses nouvelles, ses biographies, Zweig ne savoure plus son succès. Il le considère comme un cadavre, depuis que ses oeuvres subissent la censure et l’autodafé.

Avant cette escalade inexorable vers le carnage européen, le monde lui semblait passionnant. On le parcourait librement, sans passeport. La culture vivait un âge d’or. Bien sûr, la misère des peuples, l’inflation galopante, le krach de 1929, l’apparition des milices mussoliniennes étaient des signes inquiétants. Mais Zweig, résolument pacifiste, refusait de croire à la guerre. Tout comme en 1914, il était persuadé que l’attentat de Sarajevo n’embraserait pas le monde : le peuple austro-hongrois ne se battrait pas pour venger l’héritier d’un empereur détesté. Cependant la haine, suscitée par l’empereur Guillaume II chez les Français, l’impressionne. Ses illusions s’envolent, lorsque leurs soldats enthousiastes partent au front, pour une guerre... courte, sous les acclamations de la foule.

La mise en scène cherche à nous faire ressentir les états d’âme de Stefan Zweig, tout en nous incitant à la réflexion. En fond de scène, le bureau, les piles de livres, le mur constellé de notes rappellent l’activité du brillant humaniste. Evoluant dans un salon confortable, aux lumières tamisées, les comédiens se montrent proches de nous. Ils ne jouent pas aux profs, même s’ils notent scrupuleusement les dates à la craie. Chacun transmet des fragments de témoignages révélateurs, dans une relation intime avec les spectateurs.

Pour concrétiser les tensions en Europe, juste avant la guerre 14, changement d’approche. Les acteurs incarnent des personnages : Gustave Niemand (Itsik Elbaz), Stefan Zweig (Anne Sylvain) et Bertha von Sutter (Patricia Ide). Cette baronne, prix Nobel de la paix en 1905, pressentait la catastrophe : "C’est plus grave que jamais, la machine est en marche." Farouche pacifiste, elle combat avec détermination la vision idéalisée de l’artiste, défendue par le peintre Gustave Niemand (= personne ; Klimt flouté ?). Un duel implacable qui oblige Zweig à s’interroger sur la place de la culture (c’est-à-dire les arts, les croyances, les traditions, les langues, les cuisines). Pourquoi n’a-t-elle pas pu empêcher les hommes de basculer dans la barbarie ? Dans notre monde déboussolé, violent, angoissé par son avenir, peut-on ignorer cette question fondamentale ? Couronné par un affrontement captivant, ce spectacle intelligent et sensible mérite les réactions enthousiastes d’un public conquis.

Jean Campion

Photos :
©Bartolomeo La Punzina
©Alice Piemme

Vendredi 4 février 2022, par Dominique-hélène Lemaire

Stefan Zweig, invité d’honneur au Public

Écouter le monde d’hier pour penser le monde d’aujourd’hui. Voici le défi de ce spectacle éveilleur de consciences. Un cocktail qui met le questionnement au premier rang : le pourquoi, le comment ? Avec l’inquiétude comme carburant.

Stefan Zweig ne se plaint il pas de “ son inquiétude intérieure déjà intolérable » qui ne le laisse jamais en paix et le pousse à voyager. Il fustige ce “Weltschmerz” qui signifie l’échec de la civilisation. Comment le monde est-il passé de la plus grande élévation spirituelle, telle qu’elle était palpable à Vienne avant 1914, à la pire des décadences morales de notre civilisation, dès les années 30, avec la montée du fascisme ? Comment le monde a-t-il pu s’habituer à la violence, à l’injustice, à la brutalité absolue ?

Ce travail de spéléologie est orchestré avec détermination par une équipe de chercheurs dynamiques, emportés par la relecture de cette œuvre maîtresse de Stefan Zweig : « Le monde d’hier », Souvenirs d’un européen. Ils ont arraché leurs masques de théâtre, ils ont quitté volontairement leur zone de confort artistique, baissé toutes leurs gardes et lâché leurs armes de comédiens pour porter la souffrance de ce siècle passé – et sans doute les angoisses du nôtre – devant nos yeux avides de clarté. Un travail de groupe, un exercice de cours d’histoire, sans doute aux relents didactiques, puisque la passion de la transmission est bien présente. Juste avec chacun, humblement, son émotion intime. Itsik Elbaz, Patricia Ide et Anne Sylvain ont fait ce courageux pari, de gommer toute anecdote, de fuir tout effet de théâtre, pour présenter à la façon anglo-saxonne ce que eux appellent “facts”. Comme au tribunal. Des dates à rebours, des photos d’époque, des coupures de journaux, des citations, et le puissant roman de Stefan Zweig bien sûr, avec sa poignante lucidité comme pièce de résistance.

Spéléologie, parce que tout l’art est de plonger en apnée et à rebours à travers les dates, dans ce livre à la fois lumineux et absolument noir : “Die Welt von Gestern “ Le monde d’hier, Souvenirs d’un européen. Un roman autobiographique, car l’auteur y retrace pas à pas la déconfiture de l’idéal paneuropéen tel qu’il l’avait fait sien avec la fougue de ses jeunes années flamboyantes, quand il habitait Vienne, juste en face de la maison de celui qui allait vouer cette Europe rêvée au carnage, à la haine élevée en institution et à la défaite absolue de la raison. Stefan Zweig décrit avec passion ce monde révolu où la liberté était l’étendard et les voyages se faisaient sans le moindre passeport. Où une formidable culture bouillonnait à travers tous les arts : de la cuisine, à la musique, à la poésie, la philosophie, le théâtre, l’histoire, le roman… les sciences, loin de toute mise en boîte, ou récupération politique. Un genre d’âge d’or, avant que n’ éclatent les atrocités des deux guerres mondiales et le désastre de la conscience humaine.

Sur scène, on commence par la triste fin suicidaire du couple … pour remonter aux origines du mal. A sa banalisation. Personne n’a mentionné la figure de Hannah Arendt, mais on ne peut pas s’empêcher de penser à elle.

Tout cela sous le regard de Myriam Youssef. Le fond dépasse tellement la forme, que celle-ci s’estompe naturellement pour parvenir au cœur du paradoxe : Pourquoi, Comment , la culture est-elle si dérisoire face à la barbarie, et pourtant son unique rempart ?

Ce spectacle est à la fois une œuvre de mémoire, une invitation à sortir de l’aveuglement ou de la léthargie que nous imposent souvent les politiques, un appel à notre esprit critique, et une consécration de notre droit à la liberté. Un refus des fallacieuses vérités qui suppriment le doute et renforcent la prise de pouvoir.

On ne peut qu’admirer une si noble démarche intellectuelle et humaniste loin des discours perroquet du monde.

Dominique-Hélène Lemaire

Photo © Alice Piemme

Théâtre Le Public