Le lundi 17 juin les trois premiers lauréats, Boris Giltburg, Rémi Geniet et Mateusz Borowiak se sont produits au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, avec de Filharmonie, sous la direction d’Edo de Waart. Le concert de clôture a été diffusé en direct sur Musiq’3, Klara et dans 9 salles de Kinepolis ! En différé, on pouvait retrouver les lauréats sur La Trois le soir même à 21:05 et sur Canvas, le dimanche 23/06 à 12:00. Les élus de l’année 2013 du prestigieux concours Reine Elisabeth ont joué dans une salle comble jusqu’au troisième balcon en présence du Roi et de la Reine, le Prince Philippe et la Princesse Mathilde, la Princesse Astrid et le Prince Lorenz. Une soirée attendue avec beaucoup d’émotion musicale.
Mateusz Borowiak... très belle sensibilité musicale et 3e lauréat, nous a interprété le concerto n° 2 de Mozart. Assise musicale parfaite, jeu musical net, clair et grande connivence avec l’orchestre. Le thème mélancolique est aussitôt repris par le pianiste avec profonde déférence. Le jeu des couleurs est bien nuancé, les accords sont moelleux, les moments d’empathie profonde alternent avec le monologue méditatif. Le dialogue s’engage avec les cordes couleur d’automne et de feuilles mortes. L’émotion musicale est là, palpable. Dans la cadence, l’âme s’abîme dans des accents de souffrance intime puis rebondit courageusement. Ode à l’énergie qui sommeille au cœur de chacun. La musique est révélatrice de la dignité humaine et de l’espoir. Cette joie célébrée dans les lettres de Paul aux Philippins ? C’est maitrisé, l’architecture musicale complexe a la transparence de l’évidence. Quelle classe ! Les violons se sont laissés gagner par la Confiance, le pianiste joue la sérénité, puis en trilles bouillantes, l’essence de la vie. « Homme tu n’es pas seul, l’orchestre du monde te rassure et reconnaît ta stature d’un être en marche… » Applaudissement généreux, c’est le moins qu’on puisse attendre ! Mateusz salue avec humilité. Rien n’est feint, tout est vrai. Le bonheur.
Rémi Géniet, le jeune favori de 20 ans à peine, deuxième Lauréat, va s’attaquer avec brio au Rach N°3. Un jeu parfait. Des sonorités étudiées d’une esthétique frappante , un visage impassible fait de concentration extrême. Il joue souvent les yeux fermés ou mi-clos, tout en batifolant sur la crête musicale. Il fond les couleurs comme s’il s’agissait d’aquarelles liquides et signe, de façon vibrante. Approfondit, creuse et cisèle le thème principal. Il s’engloutit dans une méditation tourmentée, s’ouvre des coupes lumineuses dans le merveilleux chantier musical du compositeur. Passe, imperturbable, dans le fracas d’une tempête et en ressort indemne, toujours et toujours, totalement dans le contrôle. Le jeu est naturel, léger, coulant de source. Dégage une équanimité fascinante. Ici, il balance son calme olympien de la main gauche à la main droite et glisse sur la surface des eaux musicales. Impondérable. Il appliquera des accords océaniques grandioses, délimitera des nouveaux plans lumineux. Mais quel architecte après le Grand Architecte ! Un Bill Gates du Piano ? On en frémit ! Mais non, on n’est pas dans le Meilleur des Mondes, on est avec un des meilleurs pianistes ! Porté par le souffle puissant de Rachmaninov.
Boris, Boris ! Tout le monde l’adore, à commencer par son sourire, qui allie l’humilité, la générosité et le Plaisir de la musique. Son Prokoviev sera notre favori. Bondissant, virevoltant, animé de mille nuances, bouleversant de créativité. Voici un orfèvre devant ses creusets bouillonnant de métaux précieux. On glisse avec aisance dans le fantastiquement grand, il est salué par les timbales, trompettes, contrebasses et cordes. Mais le voilà en train de distiller toute la douceur de nouveaux matins du monde… Il s’est arrêté un instant, arrêté sur la pointe des doigts, avant d’entamer le mouvement suivant. Cela bourdonne, cela swingue, les notes répétitives piquées sonnent en mille alarmes à la ronde. … Et l’humour s’en mêle. Pas pour longtemps, car voici la frappe diabolique, la marche pesante des timbales, bassons, des accords gloussés sur fond de pizzicati. On verse dans le parodique. Quelques balayages de notes rallument la flamme spirituelle. Le pianiste pratique de la véritable archéologie, découvrant des paysages enfouis, des cités interdites ? C’est l’auditeur qui est interdit ! Boris semble extraire des sonorités rares : nouvelles ou anciennes ? Il a la délicatesse du pinceau qui découvre une poterie millénaire et fragile et qui tremble à la fois, tant le cœur bat la chamade. Ce pianiste subjugue et emporte intégralement dans l’imaginaire.
Des tonnerres d’applaudissements rappelleront plusieurs fois les trois candidats en fin de concert qui livreront à six mains jointes un petite pièce fine comme de la porcelaine…écoutée religieusement par une salle sous le choc de la Beauté.
Ré-écoutez : http://www.rtbf.be/radio/player/musiq3?id=1832759
1.Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto n. 9 en mi bémol majeur KV 271 (Allegro, Andantino, Rondeau. Presto) Mateusz Borowiak
2.Sergey Rachmaninov : Concerto n. 3 en ré mineur op. 30 (Allegro non tanto, Intermezzo, Alla breve) Rémi Geniet
3.Sergey Prokofiev : Concerto n. 2 en sol mineur op. 16 (Andantino, Scherzo vivace, Intermezzo (allegro moderato), Final (allegro tempestoso) Boris Giltburg