La 56e saison du Théâtre 140 s’est ouverte le 16 septembre dernier par une balade contée menée par le comédien Alexandre Dewez, au travers des rues du quartier à la découverte des boîtes à livres qui y sont installées depuis le mois de juin. « Chaque saison, nous essayons de créer des liens, de mettre en valeur les riverains », explique Astrid Van Impe, la directrice du théâtre schaerbeekois.
Le projet, en préparation depuis deux ans a vu aussi l’organisation d’ateliers d’écriture animés par Geneviève Damas et Isabelle Wéry, à la Maison des Femmes et dans les Bibliothèques de Schaerbeek, mais également dans les appartements de voisins. Le produit de ces ateliers sera exposé dès ce 25 septembre, le jour où se tiendra une rencontre avec Thomas Gunzig, en collaboration avec Passa Porta. Suivront ensuite une soirée slam (26 sept) avec des slameurs professionnels et amateurs (dont ceux qui ont participé aux ateliers organisés dans les écoles de la commune) et une Lecture-performance et librairie d’un soir (29 sept). « Nous voulons favoriser l’accès à l’écriture et à la littérature, insiste Astrid Van Impe, et mettre en valeur les auteurs belges ».
La programmation de cette saison fait également la part belle à la musique et, notamment à la chanson belge francophone. En collaboration avec le festival FrancoFaune, l’autrice-compositrice-interprète belge Circé Deslandes foulera les planches de cette scène mythique avant de céder la place à Brigitte fontaine (10 oct). Dans le même esprit, Mathias Bressan et Sacha Toorop se succéderont le 12 octobre. Parmi les autres noms au menu musical, citons le Stéphane Mercier Quintet (8 nov) en collaboration avec Igloo Records qui fête cette année son 40e anniversaire, Juliette (20 nov), L’Orchestre d’Hommes-Orchestres qui présentera un show (4 déc) qui explore le répertoire de Tom Waits à la sauce québecoise, « Patafrica » (24 et 25 jan) où Max Vandervorst, toujours dans sa patafolie, et le congolais Zénon Kasanzi sont accompagnés de quatre musiciens d’Afrique et d’Europe.Benjamin Biolay et Melvil Poupaud reviennent à l’essentiel en jouant sur scène leur « songbook » idéal (6 fév) tandis que Ivan Tirtiaux présentera (25 avr) son nouvel album.
Mais le point d’orgue en matière de chanson cette année (c’est un point de vue très personnel, je reconnais), pourrait bien être le concert de Cali qui chante Ferré (18 nov). Le chanteur catalan sort prochainement, avec l’accord de la famille, un album composé uniquement de reprises du poète chanteur et enregistré au Studio Pigalle, là même où Léo Ferré a enregistré ses premiers 78 tours. « Cali n’en démordait pas, sourit la directrice, il a insisté pour présenter son concert au 140. Cela fait chaud au cœur, d’autant que Ferré était l’ami de Jo » (Jo Dekmine, fondateur et ancien directeur du théâtre, décédé l’an dernier, NDLR).
Le phénomène Blanche Gardin
Au rayon cirque contemporain, Sandrine Juglair, seule en scène, présentera « Diktat » (17 et 18 oct, en collaboration avec les Halles), ou les confessions d’une acrobate qui affronte et tente de séduire le spectateur tout en fuyant les normes. L’humour sera également bien présent avec Zidani, également seule en scène qui revient sur son parcours avec humour et émotion dans « Retour en Algérie » (du 25 au 27 oct) tandis que Christophe Alévêque présentera une « Revue de presse » (28 mars) drôle et satyrique. En fin de saison (6 et 7 mai), Blanche Gardin propose son nouveau stand-up « Bonne Nuit Blanche », créé en 2018 et rodé au Kings of Comedy Club à Bruxelles (tout comme Laurence Bibot y a testé « Bibot distinguée » actuellement à l’affiche du TTO). L’humoriste française est devenue un véritable phénomène puisque le spectacle a rapidement affiché complet et une date (également complète) a dû être ajoutée. « Nous avons vendu 1.000 places en quatre jours, constate Astrid Van Impe, elle était attendue ».
Du 19 février au 2 mars, Axel Cornil et Le Rideau Nomade créeront « Ravachol », militant anarchiste français auteur de plusieurs attentats au XIXe siècle mais dont le nom est maintenant associé à des expressions populaires qui peuvent prendre différentes significations comme marginal, bagarreur ou désobéissant. Question théâtre et danse, le 140 accueille également cinq spectacles internationaux, c’est sa vocation, sa mission. Ainsi « Deep Fish » (4 et oct) est un film chorégraphique de Chris Haring dans un décor réalisé par Michel Blazy avec des fruits et des légumes. Ceux-ci sont filmés par une caméra en macro (l’orange prend ainsi la taille d’une lune) et les images sont projetées sur un écran servant de décor aux danseurs. Au fur et à mesure du déroulement du spectacle, les végétaux pourrissent sur la scène. Dans « Ada/Ava » (16 et 17 mars), des musiciens sur scène accompagnent comédiens et marionnettes dans un théâtre d’ombres dans une ambiance entre Hitchcock et Tim Burton. « Same Same » (13 et 14 fév) évoque les maladies du XXIe siècle au travers d’un duo en miroir de deux danseuses tchèques sous la direction de la chorégraphe Karine Ponties.
Plus grave, « Sandre » (du 13 au 16 nov) de la jeune autrice française Solenn Denis est un spectacle de pur théâtre très fort. Sur scène, un homme interprète le rôle d’une femme néonaticide (homicide d’un nouveau né). Une tragi-comédie dans laquelle une femme qui souffre raconte les blessures d’une vie et le drame. A la demande de l’autrice, le rôle est interprété par un homme, en l’occurrence Erwan Daouphars, « parce que entendre cette confession exprimée par une femme serait trop difficile, commente la directrice, l’interprétation masculine crée la distance qui rend le texte audible ».
Enfin, le 31 mars, le 140 propose « MicroDanse », une soirée composée qui réunit deux chorégraphes belges, Louise Vanneste et Julien Carlier, et un chorégraphe étranger, le Luxembourgeois George Maikel. Ils présenteront tour à tour, trois pièces de danse, chacune de 20 minutes de création spontanée avec pour contraintes : un maximum de quatre intervenants sur scène et pas de décor qui ne puisse tenir dans une valise.
Propos recueillis par Didier Béclard