De Frank Pierobon, on sait peu de choses.
On a même l’impression parfois que la modestie de ce philosophe brillant devient une coquetterie à force d’être excessive.
Il a publié un nombre considérable d’essais savants, notamment sur Kant dont il est devenu à la fois spécialiste et éminemment familier. De son expérience d’enseignant il a développé de nombreuses réflexions sur la philosophie de l’art qu’il enseigne à Bruxelles dans un institut de communication sociale. Je gage que, par surprise, il aura attiré vers la philosophie nombre d’étudiants qui se destinaient à a communication, à la publicité ou au marketing...La société dans son ensemble y a sans doute gagné des esprits libres, instruits et curieux, ce qui est une bonne nouvelle.
Il a publié une partie de tous les écrits auxquels il s’adonne autant qu’à ses réflexions déclenchées à partir de tout et de rien. Ce promeneur des gares et des trains aime à observer ses contemporains qu’il regarde avec l’humour intelligent et empathique des faux cyniques.
Il est aussi dramaturge. Comme beaucoup de philosophes, il se lasse sans doute de la distance entre l’homme et la réflexion philosophique. Ce fossé ressemble à celui qui se creuserait entre deux êtres s’efforçant de se comprendre alors qu’ils se parlent dans des langues inconnues de l’autre. La seule alternative pour tenter de communiquer est alors de trouver un idiome commun. Frank Pierobon a trouvé celui du théâtre. Art de la parole et de la pensée, le langage dramatique est fait pour le philosophe qui s’y est lancé avec toute la verve et le talent d’un auteur déjà aguerri. On aurait dit qu’il n’attendait que cela !
En août 2008, Frank Pierobon a donné au Festival "Scènes à Seneffe" un texte bouleversant réunissant deux femmes, deux générations, deux moments de l’humanité. Le texte était dit par Monique Dorsel et Bambina Liberatore. Il s’intitule : “IMMER LEISER” et on attend qu’il soit enfin joué ou publié. Luc Norin en disait, dans "La Libre Belgique" : "Une très grande oeuvre qui, en une heure quarante, nous sonde l’âme, l’esprit, la conscience. Une oeuvre comme un chant intérieur qui nous réveille, nous révèle et ramène à nous-mêmes."
Cette saison, Frank Pierobon donne un texte à Charles Gonzalez qui le met en scène et l’interprète au Théâtre Poème (du Mardi 21 avril au Dimanche 3 mai). Frank Pierobon nous parle de cette pièce dans un interview que vous pouvez écouter dans la rubrique "Entre les lignes". Ce texte, un lamento, s’intitule Salomé et raconte la suite de la pièce de Wilde, pièce à l’analyse de laquelle il se livre dans l’essai publié aux Editions La Différence.
Allez voir le spectacle, vous aurez envie de lire le livre ; lisez le livre, et la pièce vous en donnera la dimension humaine. Avec ces deux œuvres, un "lamento" et un essai tous deux consacrés à la tragédie de la beauté ou, en miroir, à la tragédie du regard, Frank Pierobon philosophe est enfin réconcilié avec son double : un écrivain, un vrai, un explorateur de l’humain.
Edmond Morrel
Ce qu’en dit l’éditeur :
« Je suis en train d’écrire une pièce sur une femme qui danse nu-pieds dans le sang d’un homme qu’elle désirait et qu’elle a tué. » Voilà comment Oscar Wilde résume le thème de Salomé, la tragédie créée au théâtre de l’Œuvre, à Paris, en 1896. Pourquoi Oscar Wilde que tout Londres admire pour la drôlerie caustique de ses comédies se lance-t-il dans la rédaction, en français, d’une tragédie ? Quelle est la relation entre cette tragédie et la liaison scandaleuse qu’il entretient avec Alfred Douglas qui débouchera sur un procès et une condamnation au bagne ?
À toutes ces questions Pierobon propose des réponses qui mettent en relief l’influence réciproque de l’écriture et de la vie chez Wilde. Il montre comment la figure de Salomé à l’intersection du monde païen et du monde chrétien a fasciné l’imaginaire de la fin du XIXe siècle et comment cette tragédie de l’amour impossible peut donner à voir l’écrasement de l’amour homosexuel par la société victorienne.
Biographie de Frank Pierobon (parue dans "Le Mensuel littéraire et poétique" du Théâtre Poème) :
Frank Pierobon est philosophe, auteur d’essais, et anime régulièrement des débats philosophiques au Théâtre-Poème. Il a écrit pour le théâtre "Carjacking", "Mots d’esprit et maux de cœur" (avec Christophe Van Staen) et "L’Ivresse des cimes". "Souvenirs d’un prospecteur" fait partie d’un recueil de nouvelles inédites.