« L’inhumanité infligée à un autre détruit l’humanité en moi. » (Emmanuel Kant)
Le dernier livre de Jean Ziegler est dédié à Jaime Vargas, l’abbé Pierre, Franco Bettoli et Andreas Malacorda. Il s’ouvre par un très beau poème d’Aimé Césaire que Jean Ziegler lit au début de l’entretien avec Edmond Morrel.
Le livre affiche son ambition, sans détours, à la manière de Jean Ziegler , démontrer le constat suivant, en extirper les origines et proposer des pistes pour y remédier : « La haine de l’occident, cette passion irréductible, habite aujourd’hui une grande majorité des peuples du Sud… ». Jean Ziegler explique dans cet interview en quoi elle est une « passion » et surtout « irréductible ». Il précise qu’elle est aussi une « force mobilisatrice puissante »…
Jean Ziegler va, au fil des pages, « déterrer les racines de cette haine » (notamment analysant ce qu’a été vraiment la colonisation, et en soulignant l’importance de ce qu’il appelle « la mémoire blessée… » . Il va dénoncer la « contradiction entre démographie et pouvoir ». Il cite les chiffres : 13% de sa population domine l’ensemble de la planète. Vertige de la réalité chiffrée, incontestable. On peut formuler autrement ces statistiques : l’Occident est un potentat aveuglé par son arrogance. Il essaie enfin d’analyser les dangers que peut engendrer la schizophrénie de l’Occident…dont la « pratique dément constamment les valeurs qu’il proclame ».
Dans son épilogue, « L’heure de nous-même est venue » (un vers d’Aimé Césaire à nouveau) Jean Ziegler décrit la famine qui ne cesse de croître. Les chiffres sont hallucinants : 2,2 milliards d’êtres humains issus des pays du Sud vivent dans la « pauvreté absolue » !
Jean Ziegler propose trois pistes pour endiguer la haine :
la reconstitution mémorielle
la prise de conscience des droits humains
la construction nationale dans les pays du sud…
Le poème d’Aimé Césaire qui ouvre le livre nous invite peut-être à penser que la poésie est une des portes de compréhension de la haine et de ce qui la nourrit.
La voix de la poésie permettrait-elle de partager l’indicible ?
Le livre de Jean Ziegler est un modèle de démarche humaniste, une source inépuisable d’enseignement et un vivier de conscience.
Il nous rappelle la formule fulgurante de Eugène Ionesco : « La seule société vivante est celle où chacun peut rester autre au milieu de ses semblables »
Biographie de Jean Ziegler (d’après éditeur)
Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation de 2001 à 2008, Jean Ziegler vient d’être élu membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il est l’auteur de plusieurs enquêtes explosives sur son pays (Une Suisse au-dessus de tous soupçons, La Suisse lave plus blanc, La Suisse, l’or et les morts), mais a consacré l’essentiel de son œuvre à dénoncer les mécanismes d’assujettissement des peuples du monde. Récemment : Les nouveaux maîtres du monde et L’empire de la honte (Fayard).