Fin d’année Rock and roll au TTO avec « Frédéric » un hommage à Freddie Mercury par Jean-François Breuer, comédien, musicien et chanteur, sur un texte de Dominique Bréda dans une mise en scène de Manu Mathieu.
Dominique Bréda : « Frédéric » est une pièce sur quelqu’un qui n’a pas pu faire autrement que de prendre la personnalité de quelqu’un d’autre car il ne se suffisait pas à lui-même, comme c’est le cas de la plupart des gens finalement. Dès l’adolescence, on commence à s’identifier... On prend une cape de superman... On fantasme tous sur le fait qu’il faudrait aller jusqu’à être Freddie Mercury ou David Bowie pour enfin valoir quelque chose. Mais quand on est un sosie, cela devient une manière de vivre. Frédéric est devenu prisonnier de cet exemple qui lui était imposé par la ressemblance. Ce n’est donc pas un spectacle sur Freddie Mercury mais sur « Frédéric » bien qu’il soit Freddie Mercury d’une certaine manière.
Les sosies intéressent beaucoup d’auteurs. C’était votre idée de départ ?
D. Bréda : Non, au départ, ce n’était pas l’idée. Il y a eu des films comme « Podium » sur la question. Le personnage de notre histoire est devenu un sosie parce que Jean-François ressemble à Freddie Mercury mais c’est un prétexte. Il n’a pas les stigmates habituels du sosie. On a l’impression que tous les sosies sont les mêmes, que ce n’est jamais que la seule et même personne, une personne creuse qui ne peut se remplir que de quelqu’un d’autre pour exister mais c’est une erreur et les gens se trompent sur leur compte. Finalement, le sosie de Johnny n’est pas moins une personne que Johnny. Moi, la manière dont on dépeint les sosies m’embête.
C’est quand même la ressemblance physique de Jean-Francois Breuer qui a donné lieu au texte ?
D. Bréda : C’est un peu son histoire due à quelques-uns de ses amis. Une plaisanterie qui date d’il y a une dizaines d’années et qui est devenue un fantasme ensuite. Mais cela n’a pas été un chemin de croix pour lui.
La référence à Bowie, que vient-elle faire dans le spectacle ?
D. Bréda : Frédéric dit qu’il aurait préféré être le sosie de David Bowie, ce qui se comprend d’un point de vue physique.
Mais en même temps, Freddie Mercury, c’est cette tête-là qui l’a forgé. Au départ, il n’a pas un physique facile. Quand on regarde les photos de son enfance ou de son adolescence, on se dit que cela ne devait pas être évident. Il a dû y avoir une fêlure. Il fallait qu’il dépasse quelque chose. Il a cette dentition particulière. Cela le rendait atypique. Et puis, le fait qu’il était homosexuel dans un monde qui ne l’acceptait pas encore beaucoup. Aujourd’hui on se dit : « Voilà quelqu’un qui a pu vivre son homosexualité comme il l’entendait ». Mais à l’époque, il n’en parlait pas. Peu de gens le savait.
J’ai vu en répétition que Jean-François porte une prothèse pour incarner Mercury...
D. Bréda : Sa dentition conditionne sa manière de chanter. Méchamment, je dirais que Freddie Mercury, c’est un peu ses dents. Il en a fait une marque de fabrique. Mais des libertés sont prises. Le but n’est pas de réaliser une fusion ni d’imiter mais de questionner. Sur le plan de l’imitation physique, c’est plus jouable pour Jean-François.
Vous avez inséré des chants en live dans le spectacle ?
D. Bréda : Le choix des morceaux s’est fait avec Jean-François. Comme il s’agissait d’un fantasme, il fallait qu’il ait envie de les jouer. Mais il ne faut pas s’attendre à un concert. Et puis, on aime beaucoup Queen au départ. C’était un plaisir de replonger dans leur musique, de voir toutes ces vidéos. Je crois qu’on l’aime encore plus qu’avant. On le redécouvre encore et encore.
Au niveau de l’écriture, un texte comme celui-ci pose-t-il des problèmes spécifiques ? Et comment l’aborder d’un point de vue humoristique, satirique ?
D. Bréda : Ce n’est jamais facile d’écrire. Il faut trier des idées, que l’on va abandonner le lendemain... Pour ce qui est de l’humour, je ne sais pas écrire autrement. Je suis obligé de passer par là pour atteindre le recul que permet la comédie. Tous les genres permettent évidemment la même chose : la comédie, l’épouvante... Le but est différent. Moi, j’ai besoin de prendre de la distance par la comédie sinon je trouve que l’on touche vite au sordide. Ce qui facilite les choses ici, c’est que Freddie Mercury a de l’humour, tout comme il y en a beaucoup dans Queen. Il est tellement extraverti, il montre tellement de choses dans tous les sens du terme qu’au final, cela fait beaucoup de matière à comédie.
Le texte a t-il été écrit sur le plateau ?
D. Bréda : Tout a été écrit à part. J’avais appréhendé Jean-François sur ce qui le touchait et ce qu’il aimait dans cette musique-là. J’aime inclure les comédiens pour qu’ils puissent s’approprier les mots. Il a essayé de se mettre à la place de Frédéric, le sosie qui veut ressembler à Freddie Mercury. Il y a donc quelque chose d’indirect. D’ailleurs, il voudrait se détacher de Mercury, redevenir lui-même.
On touche là au fond de la pièce ?
D. Bréda : Oui c’est cela. Pouvoir être soi, enlever les masques, les armures mais on vit dans un monde qui ne le permet pas toujours et qui nous enjoint à nous surprotéger. Ici, c’est une quête de soi, un combat de boxe. C’est quelqu’un qui se bat pour lui-même. Il y a quelque chose de réjouissant là-dedans.
Peut-on dire que c’est une pièce sur l’apparence ?
D. Bréda : Frédéric s’appuie plus sur la personnalité de Freddie Mercury que sur son apparence.
Sa ressemblance physique, il la subi. Mais il utilise la force de Freddie Mercury qui ne se laissait jamais faire dans aucune situation. Mercury était quelqu’un d’infiniment libre et ce qui fascine Frédéric, c’est cette liberté de pouvoir faire ce qu’il veut quand il veut, de dire ce qu’il veut. Cela donne envie. On a voulu se servir de l’archétype de cette surpuissance.
Propos recueillis par Palmina Di Meo.
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