Depuis quatre ans, le festival Factory prend place durant les trois derniers jours du Festival de Liège (qui lui a un rythme biennal). C’est un moment spécifique que le Festival consacre au théâtre émergent en collaboration avec La Chaufferie-Acte 1 qui se concentre plus sur le travail de développement, de recherche, qu’à la production.
La collaboration est également étroite avec l’Esact, le Conservatoire de Liège, et nombre de projets élaborés à l’école sont présentés dans le cadre de Factory. Souvent ce sont des compagnies qui sont en pleine création et qui souhaitent présenter une étape de travail.
« Au début, nous étions un peu sceptique sur le fait que le public puisse être intéressé à voir des formes qui ne sont pas terminées, explique Jean-Louis Colinet, le directeur du Festival de Liège, mais le public suit. » La formule est très vivante, les salles présentent souvent de petites jauges ce qui fait que les gens passent d’un endroit à l’autre, se rencontrent, échangent leurs impressions.
Le festival présente trois types de spectacles. Les spectacles finis sont au nombre de trois :
« Laïka » d’Ascanio Celestini et David Murgia, à voir ou revoir. Si vous avez aimé « Discours à la Nation », vous allez adorer cette pièce où David Murgia – acteur habité – incarne un Christ revenu sur terre pour observer les errements de l’humanité.
« J’abandonne une partie de moi que j’adapte » dans lequel Justine Lequette et ses quatre comédiens reprennent les thématiques de « Chronique d’un été », un documentaire réalisé par Edgar Morin et Jean Rouch en 1960.
« Combat de pauvres » de la Compagnie Art & tça analyse avec humour et passion l’impact des choix politiques, sociaux et économiques sur la paupérisation croissante de toutes les couches de la population.
Le second volet présente des étapes de travail, un volet spécifiquement dédié aux jeunes artistes et aux jeunes compagnies pour leur permettre de présenter les prémisses d’une forme plus longue.
Enfin, Factory donne l’occasion à des artistes de présenter des projets embryonnaires, des projets qu’ils comptent entamer et qui pourraient intéresser le public, des programmateurs voire des producteurs éventuels.
C’est en essayant que l’on progresse
Factory entend combler un vide comme en atteste le nombre important de propositions reçues par les organisateurs. Il faut dire que les occasions de présenter des étapes de travail ne sont pas légion. Outre Factory, il y a le festival Émulation à Liège ou Pépites à Charleroi. « Il n’y a pas assez de moyens pour les jeunes créateurs, regrette Jean-Louis Colinet, il n’y a pas assez de place pour les jeunes compagnies. Bientôt, nous n’aurons plus que des vieillards sur scène. »
Prenant l’exemple de David Murgia, le Raoul Collectif ou Vincent Hennebicq, le directeur insiste : « les jeunes compagnies ont autant besoin d’outils de recherche, de travail, d’essais, d’erreurs, de confrontation avec le public que de moyens. » Le Festival de Liège intègre des jeunes compagnies dans sa programmation, ce qui intéresse les programmateurs, les Belges étant plus nombreux les années paires. Cette année, les structures théâtrale de la Communauté française seront également présentes. « C’est aussi cela que les jeunes attendent, ajoute Jean-Louis Colinet, l’occasion de montrer leur travail, leur univers, à de potentiels futurs coproducteurs. Factory s’adresse autant au public qu’à des programmateurs pour lesquels il est intéressant de voir les spectacles en présence d’un public. »
Interrogé sur ses coups de cœurs, le directeur épingle un spectacle qui sera présenté à la prochaine biennale : « Un loup pour l’homme » dans lequel Violette Pallaro interroge le mensonge comme instrument de pouvoir et de représentation. « Loin du poncif de ’théâtre à la mode’, Violette Pallaro a une réelle capacité d’écriture, commente le directeur, et pas seulement pour les dialogues. Dans chaque scène, il y a un enjeu, un début et une fin. Savoir dire et raconter, dire l’essentiel, c’est un art. »
Second coup de cœur, « Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ? » d’Emmanuel De Candido et Pierre Solot raconte l’histoire réelle d’un jeune homme, pilote de drone, qui pète un plomb parce que sa copine l’a quitté. « Un acteur concepteur et un musicien sur scène utilisent des codes du théâtre qui ne sont pas courants, ajoute Jean-Louis Colinet, c’est une forme de récit documentaire, un peu hybride. »
>Factory 2018, du 22 au 24 février, dans différents lieux à Liège, www.festivaldeliege.be.