On sait d’Eric Emmanuel SCHMITT qu’il est un auteur protéiforme. Il aime à s’essayer à différents modes d’expression : l’essai,le théâtre, le cinéma la littérature et dans cette dernière catégorie, il alterne les genres littéraires. Il excelle aussi bien dans le roman que dans la nouvelle ou dans l’invention de genres nouveaux comme c’est le cas pour son dernier ouvrage paru, le bouleversant récit intitulé « Le Sumo qui ne pouvait pas grossir ».
C’est un récit d’une brièveté affichée…Nous sommes à Tokyo, le narrateur s’appelle JUN il a quinze ans et il vend à la sauvette des petits objets en plastique dont il a honte Un vieillard, Shomintsu, lui dit qu’il « voit en lui un gros », alors que le garçon a « l’air d’une peau de hareng séchée sur du bois d’allumette »
Petit à petit, l’enfant va se laisser apprivoiser par le vieillard qui a une école de Sumo…Comme dans tout récit d’initiation, il y a la rencontre, mais surtout l’acceptation de l’autre et l’acceptation de soi.
Un des passages les plus émouvants de ce récit est celui où le jeune JUN décide d’ouvrir enfin les lettres que sa mère lui envoie et qu’il avait décidé de ne pas ouvrir jusque là…sa mère est analphabète, donc quelqu’un d’autre a rédigé les lettres sous la dictée, pense-t-il…Mais tel n’est pas le cas…sa maman invente un langage, et ce langage nouveau lui est parfaitement compréhensible…Ainsi ce livre serait aussi un essai sur le langage… ?
Lorsque SUN assiste à son premier combat de Sumo, il se met à la place des spectateurs passionnés qui l’entourent… et c’est en changeant de point de vue qu’il comprend le Sumo…Est-ce cela le chemin de la tolérance : adopter le point de vue de l’autre ?
On pourrait aussi dire que c’est le cheminement de l’écrivain…se mettre dans la peau de l’autre, dans son cœur, dans son âme…
Eric Emmanuel SCHMITT esr philosophe et on sait que pour le philosophe le questionnement est plus essentiel que la réponse. Dans le bouddhisme zen ce postulat se formule par la métaphore du cheminement, plus important que la destination…Ce livre dans sa brièveté n’en est-il pas la démonstration ? Il n’est pas une réponse, il est une interrogation que vous déposez chez le lecteur qu’il nourrit et inspire de toutes ces questions sur la tolérance, l’écoute, le langage, la transmission… ?
La spiritualité est au cœur battant de ce récit, et elle englobe toutes les perceptions auxquelles le maître initie le disciple, y compris celle du pardon à l’égard de soi-même.. ? Ceci pourrait être la ligne de démarcation entre la religion et la spiritualité ?
C’est un livre leurre…on ne cesse de le lire après l’avoir refermé…Il n’est jamais achevé..comme le dit si bien la dernière réplique du livre, qui est la phrase la plus simple et la plus bouleversante qui soit… 6 mots… et le monde y est contenu !
Ce sont toutes ces questions qu’aborde Eric Emmanuel SCHMITT dans ce livre mais aussi dans tous ceux que chaque lecteur va y lire…car c’est aussi cela le rôle du lecteur : ré-écrire les livres qu’il lit, à la conditions qu’ils soient de grands livres.
Celui-ci en est un !
Edmond Morrel