Simple et désarmé, l’auteur, acteur et metteur en scène Jean Le Peltier nous offre le récit d’Ives et son aventure avec Poney, la vieille dame qu’il aimait et avec qui il a tenté de sauver le géant blessé qu’ils trouvèrent un matin étendu dans leur jardin au cœur de la forêt. Sympathique et maladroit, le jeune homme raconte par les mots et par les images qu’il dessine au fusain sur les murs du plateau sa quête du grand Ironiste, le seul à pouvoir soigner ce drôle de géant tatoué.
L’univers de Vieil rappelle les contes pour enfants, les mondes fantastiques des livres d’images en travestissant le creux de notre clavicule en un petit lac, les fougères qui poussent dans le jardin en poils de géant. Avec tendresse surgissent des images inattendues, qui résonnent tant dans notre imaginaire que sur les feuilles blanches du fond de scène. Les chevaux papotent, le hibou grand Ironiste râle, le géant est tout bleu à l’intérieur et le loup pleure parce qu’il a perdu sa meute. Cette histoire est pleine de fantaisie mais ce n’est pas non plus n’importe quoi confie sur scène l’artiste, qui dans sa fausse naïveté digresse sur ces choses qui l’interrogent, et questionne le public au-delà des métaphores qu’il utilise. Moins innocent qu’il en a l’air, Ives parvient au détour de son récit à nous partager avec humour ses commentaires sur la nudité au théâtre, les spectacles européens, voire même le concept de déterritorialisation de Gilles Deleuze.
C’est peut-être là que le glissement du conte vers le one-man show s’opère. Tant sur le fond que par le jeu de l’acteur, on est dans un registre hybride, sur la brèche entre ironie et émotion. On sort par à-coups du conte et de la quête pour plonger dans des questions existentielles.... au risque de faire tomber la douce rêverie qu’installe avec brio Ives au début de la pièce. L’imagination est un fil étroit sur lequel on peut facilement perdre l’équilibre. Un peu étourdis par le rythme de l’acteur et par la frénésie de ses paroles, on aspire à retrouver un peu plus du calme de Poney, la vieille dame que Jean Le Peltier incarne à tour de rôle, ou de la poésie de leur maison qui sent bon le sapin.
Vieil demeure cependant un spectacle créatif et hors normes, un spectacle qui cherche, qui invente, qui propose et qui nous titille en nous donnant à voir et à sentir. La singularité du texte et de la mise en scène de Jean Le Peltier font de son spectacle un travail prometteur et entier dont on retiendra sans conteste l’univers délicieusement farfelu.
Blanche Tirtiaux