"La Princesse de sang" de Doug Headline et Max Cabanes d’après un roman inachevé de Jean-Patrick Manchette chez Aire Libre
Dans cette rencontre avec Max Cabanes et Doug Headline (Jean Manchette le fils de Jean-Patrick Manchette), l’occasion nous est donnée d’interroger les auteurs de ce prodigieux récit en deux volumes sur leur travail d’adaptation du dernier roman, laissé inachevé, de Jean-Patrick Manchette. Nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer Jacques Tardi à ce sujet, lorsqu’il avait réalisé l’adaptation en BD de "La position du tireur couché".
C’est une interrogation que nous adressons à ceux qui prennent ici la relève de Jean-Patrick Manchette : en quoi Manchette se prête-t-il particulièrement à la BD, comme au cinéma, tout en écrivant des romans qui sont aussi des oeuvres purement littéraires. Peut-on en savoir davantage en interrogeant Doug Headline et Cabanes sur leur modus operandi ? C’est à ces questions-là que cet interview propose de donner des pistes de réponse.
On sait de Jean-Patrick Manchette, décédé en 1995, qu’il fut un écrivain ancré dans la réalité de son époque. En témoigne entre autres le premier volume paru de son "Journal" qui ne couvre malheureusement que les années 1966 à 1974 et qui sont un témoignage passionnant et émouvant sur le travail de l’écrivain et les préoccupations du citoyen. Il est à espérer que Gallimard poursuive l’édition de ce témoignage sur une oeuvre en interrogation constante.
Et ce "Journal", et "La princesse de sang" donnent de surcroît, l’impérieuse envie de relire les romans noirs (Nada, La Position du tueur couché…) mais aussi de revoir les films dont Manchette fut le scénariste pour le cinéma.
Ils nous laissent aussi la tristesse de toute oeuvre interrompue : "La Princesse du sang" était le premier volume d’un cycle à venir.
Le prolongement que nous en donnent Doug Headline et Cabanes nous démontrent, par la qualité du résultat, que l’oeuvre survit magnifiquement à l’homme.
Il est vrai qu’elle est ici l’objet d’un traitement "inspiré" autant par le récit original que par la complicité des adaptateurs entre eux aussi bien qu’avec le texte original.
A lire toutes affaires cessantes...
Edmond Morrel
Présentation sur le site de Gallimard du "Journal" de Jean-Patrick Manchette :
« Jeudi 29 décembre 1966
Aujourd’hui, ces temps-ci, je ne suis probablement sain tout à fait ni de corps ni d’esprit. Je mesure quelque chose comme 1 mètre 75, je pèse à peu près 60 kilogs. Je suis fatigué, j’ai une crise de foie permanente par manque de sommeil et abus de la bière. Les soucis d’argent, et ceux de Mélissa, que je ressens, me pèsent. Je lis Les Pléiades de Gobineau, je trouve ça très agréable, je projette de l’adapter pour la télévision. »
En 1966, à l’âge de vingt-quatre ans, Jean-Patrick Manchette commence à écrire son journal. Il le tiendra régulièrement jusqu’à sa disparition en 1995. Ce volume regroupe les quatre premiers cahiers couvrant la période déterminante du 29 décembre 1966 au 27 mars 1974 où Manchette décide de vivre de sa plume et y parvient au prix d’efforts sans cesse renouvelés. À la lecture de ces pages, qui nous installent d’emblée dans le secret de son atelier, ce sont les faces cachées du grand écrivain qui se révèlent peu à peu : le travailleur perpétuel, l’intellectuel subtil, le lecteur dévoré par la passion de la connaissance, même sous ses formes les plus impures. Totalement inédit jusqu’à ce jour, le journal de Jean-Patrick Manchette est un texte exceptionnel, non seulement par son ampleur mais par la férocité de son écriture.
Présentation de "La princesse de sang" sur le site de l’ éditeur (Dupuis) :
À l’origine, "La Princesse du sang" est l’ultime roman du maître français de la littérature noire, Jean-Patrick Manchette. Mais de ce roman total, mêlant aventure et polar, action et géopolitique, le lecteur n’en connaissait qu’une version inachevée, celle que Manchette a écrite avant d’être emporté par le cancer en 1995. C’est à partir des notes de son père que le scénariste et cinéaste Doug Headline a reconstitué la trame des extraordinaires aventures d’Ivory Pearl. Avec Max Cabanes au dessin, "La Princesse du sang" brille enfin des mille et un feux de la bande dessinée.
1950. Sur une plage de l’Atlantique, le kidnapping d’une petite fille tourne au massacre. Maurer, unique survivant de ce sanglant affrontement, disparaît en emmenant la fillette, Alba.
1er janvier 1956. Une année de tempêtes commence... Comme tous les ans, la jeune photographe Ivory Pearl vient passer le réveillon en Normandie chez son protecteur, l’ancien officier de la Royal Air Force, Robert Messenger.
À 27 ans, Ivy est une photographe célèbre pour ses reportages violents sur les champs de bataille et pour son mépris du danger. Mais Ivy est fatiguée et elle a décidé de passer l’année dans un endroit isolé. Elle s’y reposera de la violence en photographiant la nature.
Pour des raisons connues de lui seul, Messenger profite de cette occasion et la persuade de partir à Cuba, dans la Sierra Maestria, impliquant Ivy à son insu dans une opération des services du contre-espionnage français visant à mettre hors course Aaron Black, trafiquant d’armes international et oncle d’Alba, qui a commandité le kidnapping de sa nièce 6 ans plus tôt.
Cabanes a reçu le Prix "Polar’Encontre" 2010 pour le 1er tome de "La Princesse du sang" sur un scénario de Manchette.