Alex, la quarantaine, vit confortablement, travaille et est père de deux ados en pleine crise de croissance. Mais comment gérer un quotidien chaotique quand, soi-même, on a besoin d’être pris par la main ? Incapable de dire non, il se retrouve immanquablement dans les situations les plus absurdes avec pour unique exutoire le rêve éveillé.
Adapté de « Broadway », un texte de Fabrice Caro, Itsik Elbaz rend toute l’absurdité de nos vies conventionnelles loin, très loin de nos aspirations et de nos ambitions réelles. Quasiment sans bouger, le corps coincé dans une raideur contrôlée, il nous arrache des rires sans avoir l’air d’y toucher. Par la seule force de l’identification à son personnage, il transcende la paralysie d’une vie aussi étouffante qu’une camisole de force. Admirablement soulignées par un jeu de lumières et une bande son qui flirte avec le cinéma d’animation, ses répliques font mouche et sa gaucherie éveille en chacun le souvenir de situations non maîtrisées.
Le désarroi d’Alex est à son comble quand il reçoit une convocation pour un dépistage gratuit de cancer colorectal avec la mention « courrier administratif adressé à toute personne de plus de 50 ans ». Or, il n’a que 46 ans, cela cacherait-il quelque chose ? Cette conscience du temps qui passe et le refus d’affronter une situation déstabilisante vont trouver refuge dans ses rêves d’enfant, dans des fantasmes d’exploits où l’imagination déborde parfois sur la réalité pour donner lieu à des quiproquos cocasses.
On retrouve dans ce troisième roman de Caro toute la cocasserie de nos contraintes sociales, les réunions de parents aux justifications impossibles, les apéros obligatoires entre voisins et les fanfaronnades de mise. Qui a envie de partir en vacances avec son voisin, alias Monsieur muscles, et surtout pour faire du paddle à Biarritz ? Cherchez dans le dictionnaire... On se délecte de ces portraits de losers au cœur tendre chers à Caro. Itsik Elbaz, lui, s’y sent parfaitement à l’aise. Il est rejoint en fin de tirade par Alex quand il se voit en stand up sur son paddle, à Biarritz, dans un triomphe jubilatoire sous les hourras de la foule.
Palmina Di Meo