Bienvenue aux vendredis de la sémiotique organisés par l’Amicale Régionale de Sémiotique. L’orateur du jour n’est autre que Gilles Dal, auteur de l’ouvrage « La face cachée de l’accent circonflexe », inventeur du concept de déparenthisation qui vise, ni plus, ni moins, que l’abolition des parenthèses, et pilier reconnu de l’École de Ganshoren.
Le thème de sa prise de parole portera sur la mauvaise communication et les vicissitudes, voire les bagarres, qu’elle peut engendrer. Pour pallier ce mal du siècle, l’orateur a mis au point une méthode pour parfaitement se faire comprendre et qui augure que « l’humanité va entrer dans une ère d’harmonie universelle ». Il annonce, tout de go, qu’il s’apprête à révéler à ce public avide de connaissances le fonctionnement de cette méthode révolutionnaire.
Mais avant cela, Gilles Dal raconte deux anecdotes personnelles révélatrices de l’incompréhension à laquelle peuvent se heurter certaines tentatives, maladroites, de communication. Les travers de langage sont nombreux et ce n’est pas parce que l’on exprime un propos qui nous semble clair qu’il apparaît avec autant de clarté à la personne à laquelle il s’adresse. Quand elle ne comprend pas exactement le contraire de ce que l’on a voulu exprimer.
Il enchaîne avec de nombreux exemples illustrés par des dessins, des photos, des captures d’écran, des vidéos, des affiches, auxquels nous sommes confrontés tous les jours et qui foisonnent parfois de hiatus de communication. Trop d’information tue l’information et, a contrario, une information trop synthétique ne donne qu’une vague idée du message émis. « Quand on n’y met pas les formes, dit-il, le monde nous semble étrange, singulier » et d’ajouter, plus tard, « dans l’océan du n’importe quoi, les vagues sont nombreuses ».
Dans la vraie vie, Gilles Dal est docteur en histoire et professeur invité à l’Ihecs. Scénariste de bandes dessinées, en collaboration avec Frédéric Jannin, Johan De Moor ou Philippe Bercovici, il est l’auteur d’une série d’ouvrages notamment sur la Sécurité sociale ou l’histoire de Belgique. Il a également écrit « Tout va très bien », une pièce qui fut jouée au TTO en 2018.
Chroniqueur à la RTBF, il axe régulièrement ses interventions sur les lieux communs, les tics de langage comme le langage conditionné – on dit des bouts de phrases de façon automatique -, le langage formaté par des codes culturels que l’on croit naturels, les expressions contradictoires - « ça ne se refuse pas » - ou, encore, les questions dont on connaît la réponse ou qui n’en admettent qu’une seule.
Avec l’aide, au son et aux images, de Priscillien (le « vrai » comédien Wilhem De Baerdemaeker), le comptable qui remplace au pied levé Cédric souffrant, l’orateur doit en subir les maladresses, les erreurs techniques et, surtout, les commentaires intempestifs. La confrontation entre le technicien d’occasion maladroit et l’orateur qui se cache derrière une courtoisie de timide placide et pince sans rire, mais qui viendra à perdre son sang froid, constitue l’un des ressorts comiques du spectacle.
Au même titre que les exemples souvent cocasses, parfois incongrus, mais toujours exemplatifs des difficultés de communication qui peuplent notre vie quotidienne. Mais, peut-être faut-il classer au rang de ces interférences communicationnelles la pirouette (un étourdissement) qui permet à Gilles Dal de ne pas aller au bout de son propos et de ne pas révéler la sacro-sainte méthode censée guérir notre langage de tous les maux qui l’affectent. La courbe rentrante donne à l’œuvre un côté inabouti.
Didier Béclard
« Bla Bla Bla » de Gilles Dal, mis en scène par David Nobrega, jusqu’au 3 décembre au Théâtre de la Toison d’Or (TTO), 02/510.05.10, www.ttotheatre.com.