Bent

Saint-Josse-Ten-Noode | Théâtre | Théâtre Le Public

Dates
Du 8 au 19 janvier 2019
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Le Public
Rue Braemt, 64 70 1210 Saint-Josse-Ten-Noode
Contact
http://www.theatrelepublic.be
contact@theatrelepublic.be
+32 2 724 24 44

Moyenne des spectateurs

starstarstarstar-halfstar-off

Nombre de votes: 4

Bent

Juin 1934. Au lendemain de la Nuit des Longs Couteaux, la Gestapo débarque chez deux jeunes homosexuels insouciants. Va s’ensuivre une traque sans merci, la peur, la fuite, les caches et finalement le camp de Dachau. L’épuisement, la torture et la destruction des individus.

L’écriture de Martin Sherman n’est pas sans rappeler celle de Samuel Beckett. Pas de belles envolées lyriques, mais une langue concise, précise, minimaliste qui tente d’aller à l’essentiel et dans laquelle s’engouffrent des silences lourds de sens. La période nazie a toujours beaucoup compté pour moi, dit Martin Sherman. Sans doute parce que je suis juif. Pour moi, « Bent » est autant une pièce homosexuelle que juive. Étant juif et homosexuel, je considérais donc essentiel d’écrire une pièce qui témoignerait des tortures supportées par ces deux minorités.

Pourtant, dans tout cet enfer, un amour va soulever des montagnes de courage et de résistance insoupçonnée pour contrer l’arbitraire et la barbarie. Et, dans un ultime défi, prouver qu’aucune dictature, jamais, ne viendra à bout de notre part d’humanité.

Créé par une troupe de théâtre amateur, nous avons eu un vrai coup de cœur pour ce spectacle qui a depuis remporté plusieurs prix au Trophée Royal 2017 de la FNCD (Meilleur spectacle, Prix du Public, …).
Il montre que le théâtre est avant tout une question de passion.

UNE PRODUCTION DE L’ATELIER THEATRE DES PROFESSEURS DU COLLEGE SAINT MICHEL (ATPCSM) AVEC L’APPUI DE LA FEDERATION NATIONALE DES COMPAGNIES DRAMATIQUES (FNCD), DE L’ASSOCIATION BRUXELLOISE ET BRABANÇONNE DES COMPAGNIES DRAMATIQUES (ABCD) ET DE LA MINISTRE, MEMBRE DU COLLEGE DE LA COMMISSION COMMUNAUTAIRE FRANÇAISE DE LA REGION DE BRUXELLES CAPITALE, CHARGEE DE LA CULTURE. AVEC LE SOUTIEN DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE. Conception photo © Gaétan Bergez.

Distribution

De Martin Sherman. Adaptation : Thierry Lavat et Hélène Grinda.
Mise en scène : Grégory Bergez. Avec : Roland Bekkers, Gaétan Bergez, Grégory Bergez, Marcel Bergez, Jérémy Bouly, Bastien Craninx et Christophe Vande Voorde. Scénographie : Grégory Bergez. Construction décor : Willy Lefèvre. Lumière : Bob de Ridder et Maurice Gillet. Costumes : Anne-Marie Hobin. Maquillage : Françoise Delhaye, Melina Espitia et Carine Moucharte. Régie : Antoine Van Agt et Maurice Gillet.

Laissez nous un avis !

5 Messages

  • Bent

    Le 15 janvier 2019 à 15:45 par Oliviermoe

    Magnifique spectacle. Je l’avais vu il y a deux ans. Et cette série permettra au grand public de découvrir cette version qui est glaçante. Par le jeu des acteurs, parfaits de sobriété. Et par le message. Bien sûr. J’ai longtemps cru que ces périodes troubles appartenaient au passé. Je crains aujourd’hui que cela ne soit notre avenir.
    A voir.
    Malheureusement indispensable...

    Répondre à ce message
  • Bent

    Le 16 janvier 2019 à 09:52 par juliette

    spectacle coup de poing - salutaire - très bien mis en scène et jeu des acteurs très efficace - à voir mais attention pour les (trop) jeunes

    Répondre à ce message
  • Bent

    Le 28 janvier 2019 à 11:48 par soherrem

    J’ai trouvé les acteurs tout à fait à la hauteur, l’histoire très prenante et forte. On sort avec des débats plein la tête.

    Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
    Se connecter
Votre message

Lundi 14 janvier 2019, par Jean Campion

De quoi réveiller notre vigilance

Juif et gay, le dramaturge Martin Sherman avoue avoir été très marqué par les préjugés anti-homosexuels de sa communauté du New Jersey. C’est pourquoi il considérait "essentiel d’écrire une pièce qui témoignait des tortures supportées par ces deux minorités". Créée à Broadway en 1979, à Bruxelles et à Paris en 1981, "Bent" ne cesse d’être jouée à travers le monde. Et c’est tant mieux. La montée des partis fascistes et la multiplication des agressions antisémites et homophobes font apparaître ces reprises comme des piqûres de rappel indispensables. Mise en scène par Grégory Bergez, cette pièce, dont l’intensité nous prend aux tripes, résonne comme un appel à la tolérance et à la liberté.

Berlin 1934. Max, un fils de bonne famille, mène une vie de bâton de chaise : alcool, cocaïne, partouzes. Ce matin, il a la gueule de bois et interroge Rudy sur ses frasques de la nuit. Ce compagnon tolérant et protecteur, qui est un peu la fée du logis, lui explique pourquoi Wolf, l’homme qui émerge de son lit, s’attend à passer deux jours idylliques dans "son château". Projet tué dans l’oeuf : Wolf est arrêté, victime des représailles déclenchées par "la nuit des longs couteaux". Lieutenant d’Hitler, Röhm, qui a été assassiné, ne peut plus protéger les homosexuels. Max et Rudy sont également en danger. Greta, qui dirige le cabaret où danse Rudy, leur donne de l’argent et les presse de s’écarter de Berlin. Durant cette fuite en avant, on sent l’affection qui lie les deux hommes. Max refuse la fausse carte d’identité, que lui remet l’oncle Freddie. Pas question de s’en sortir en larguant Rudy.

Lorsqu’ils sont arrêtés, l’officier de la gestapo fait une fixation sur les lunettes de Rudy. Pour écraser cet "intello", il l’oblige à les piétiner. Puis on le torture. Poussé par son instinct de survie, Max prétend ne pas le connaître. Sous la menace, il frappe son ami avec une brutalité croissante. Sachant que dans les camps, ce sont les homosexuels, identifiés par un triangle rose, qui sont le plus cruellement traités, il se dit juif. Déporté à Dachau, il arbore une étoile jaune.

Dans ce camp, il subit un supplice inspiré du mythe de Sisyphe. Sans jamais s’arrêter, il doit transporter les pierres d’un tas, pour en former un nouveau, à une vingtaine de mètres. L’opération terminée, le travail absurde reprend dans l’autre sens. Toutes les deux heures, un coup de cloche l’autorise à se mettre au garde-à-vous, pendant trois minutes. Privé de contacts humains, Max ne supporte pas cette destruction machiavélique. En soudoyant un garde, il réussit à faire participer Horst à son activité débilitante. Ce prisonnier, qui porte un triangle rose, boude un moment. Mais progressivement, les deux hommes se rapprochent. Durant les pauses, sans se regarder, ils parviennent à exalter leur amour. Avec une sensibilité à fleur de peau, Gaétan Bergez (Max) et Bastien Craninx (Horst) rendent ces échanges poignants. Grâce à la parole, les deux victimes broyées par le nazisme existent envers et contre tout. Dans un ultime défi, ces hommes prouveront que notre part d’humanité l’emporte sur la barbarie.

L’auteur utilise une langue concise, minimaliste. Des phrases qui vont à l’essentiel, trouées de silences lourds de sens. On retrouve cette sobriété dans la mise en scène de Grégory Bergez. Négligeant l’effervescence joyeuse des cabarets berlinois, il concentre notre attention sur l’horreur. En subissant, pendant de longues minutes, le transfert silencieux des pierres, le spectateur se pénètre de la monstruosité de cette torture. L’apparition furtive de gardes, derrière les barbelés qui encerclent la scène, impose une angoisse lourde. L’homme est observé comme un animal, que l’on se plaît à faire souffrir. En argot, "Bent" peut désigner un homosexuel, mais signifie aussi quelque chose de difforme, de cassé. Comme ces prisonniers déshumanisés. Suscitant l’émoi et la réflexion, le drame de Martin Sherman nous interroge sur la frontière entre l’humain et l’inhumain. Il réveille aussi notre vigilance.

Jean Campion

Théâtre Le Public