"Versant Sud" a toujours placé la barre très haut. Chacun des livres publiés par la maison d’édition basée à Louvain La Neuve ouvre l’accès à des mondes aussi divers que ceux de la musique, de l’histoire, de la bande dessinée en les abordant avec passion, avec audace, avec originalité. Allez jeter un coup d’oeil sur leur site : "vaut le détour" comme dirait Bibendum.
Il en va ainsi de cet album de toute beauté que Philippe Marion consacre aux Schuiten, une famille où les mots transmission et partage prennent tout leur sens, se matérialisent en un véritable art de vivre et de voir. On connaît bien le travail de François et celui de Luc dans leurs domaines respectifs de la bande dessinée pour le premier et de l’architecture écologique pour le second.
Dans cet album, Philippe Marion s’appuie sur des images d’archives et sur des témoignages orignaux qu’il a recueilli grâce à la confiance amicale dont les Schuiten l’entourent pour reconstituer, documents à l’appui, la genèse familiale de cette vocation artistique qui se transmet aujourd’hui à la génération suivante.
L’analyse de Philippe Marion est à la fois limpide et documentée. Puisant dans les archives familiales, écoutant les protagonistes, lisant leurs textes, y compris des écrits très personnels mais surtout, regardant les dessins, les photographies, les esquisses, les ébauches et nous les donnant à voir, il nous livre un travail d’une finesse et d’une intelligence remarquables.
La première photo du livre, représentant Robert Schuiten assis à table à côté de son fils Luc, un garçonnet attentif, dessinant "ensemble" symbolise d’une certaine manière tout le livre : l’image raconte l’histoire, le père partage son art avec l’enfant, l’enfant ne perd pas une miette de cet instant de grâce.
Philippe Marion a réussi à nous faire entrer dans cette photo. Commentateur empathique, il nous prend par la main et nous dévoile les miraculeux secrets qu’il a découverts après un long travail de recherche et d’investigation. Mais c’est en ami de la famille qu’il nous convie à entrer dans cet atelier transgénérationnel qui est aussi une magnifique leçon de transmission familiale.
Et puis, pour tous ceux qui s’intéressent aux travaux actuels de Luc ou de François Schuiten, ce livre est un rassasiement : on y voit par exemple une des premières planches réalisées (au bic !) par François Schuiten à l’âge de 16 ans...tout en ombres et lumières dans des décors cryptiques ! Une merveille !
Vous entendrez dans l’interview combien l’auteur de ce livre d’art s’est attaché à peaufiner chaque élément de cet album mettant à rude épreuve la patience et l’endurance de l’éditrice, Elisabeth Jongen...Mais peut-on être éditeur de qualité, sans celles-là, patience et endurance, auxquelles, dans le cas d’espèce, la passion ne fait pas défaut !
Edmond Morrel